ÉDITORIAL
Une géométrie variable
Je suis resté pantois. Donald Trump a annoncé que le prochain sommet du G7 — ce club select des sept contrées les plus « avancées » du monde, y compris le Canada, dont les chefs passent généralement deux jours à bavarder à nos frais (rappelez-vous Charlevoix en 2017) avant d’aboutir à une vague déclaration d’intention sans suite — donc, que ce coûteux événement se déroulerait dans l’un des complexes récréatifs (un golf) dont il est le patron. Optionnellement, on ne parlera pas d’environnement, a-t-il ajouté. Personne n’a sourcillé. Les grands principes démocratiques de nos dirigeants semblent ne pas inclure la notion de conflit d’intérêt ou de collusion entre bien public et intérêt privé. Qui, au Canada, aurait accepté cela : une rencontre internationale au coût exorbitant qui irait dans les poches du premier ministre qui l’organise ? Étrange, non ?
Est-ce pour les mêmes raisons que les Trudeau et autres Macron ou Obama de ce monde restent silencieux face à l’atteinte grave (mensonge, violence, justice inique, etc.) au droit du peuple catalan que porte le gouvernement central de Madrid, en Espagne ? Un droit collectif inscrit dans la Charte des Nations unies, qui découle de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Canada l’a signée en 1948, et devrait donc s’y plier, d’autant plus qu’il en est à l’origine et a renouvelé son adhésion en 1975 et en 1993. Comme l’Espagne.
D’ailleurs, il est de bon ton de vilipender la Turquie qui envahit la Syrie pour se créer une zone tampon, qui la protégera des volontés d’expansion et d’indépendance du peuple kurde, plus grande nation au monde à ne pas avoir de territoire officiel, sans considération pour ses aspirations. Ai-je entendu « indépendance » ? Encore le fameux droit d’un peuple à disposer de lui-même… s’il le désire.
Si je résume, dans ce cas-ci, on est donc pour, mais dans d’autres, on est contre. Il est bizarre que monsieur le champion des droits des Canadiens, tels que le droit à la religion (qui correspond en fait à la liberté de conscience et à la liberté d’expression), ait oublié en cours de route les autres droits. On les défend ou on ne les défend pas. Faudrait savoir. Vous me direz, par exemple, que peu de pays osent tenir tête à la Chine, qui reste la plus grande dictature au monde. Le Canada y compris. Il y a dans ce cas des intérêts économiques supérieurs…
Mais alors, à quoi servent ces déclarations des droits et libertés ? Et quelle crédibilité peut avoir un leader politique s’il change sa position selon l’air du temps et ses intérêts propres ? Les grands principes démocratiques des libéraux ont la vie dure, comme l’a prouvé la pitoyable acceptation du soutien officiel et « spontané » d’Obama à la candidature de Justin Trudeau, qui s’attaquerait — ironie — aux « changements climatiques ». Un bel exemple d’ingérence d’un (ex) dirigeant étranger, alors que l’on n’est pas capable de dénoncer à l’international les infractions grossières aux droits les plus fondamentaux. Les conservateurs n’ont pas fait mieux au cours des derniers jours avant l’élection en assénant mensonge sur mensonge et désinformant l’opinion publique pour faire pencher le vote en leur faveur. Quelles sortes d’individus joueraient avec la peur des citoyens pour mieux les contrôler ? Certainement pas de fervents défenseurs de la démocratie.