ÉDITORIAL
Un retour à la normale ? (2)
Pourquoi ne pas relancer l’économie par les énergies renouvelables ? Investir dans la transition énergétique créera de l’emploi et de la croissance durable, toutes les agences internationales le clament depuis quelques années maintenant. On pourrait être sceptiques, mais c’est corroboré par de nombreux experts, parmi les plus respectés : David Suzuki, Hubert Reeves, Thomas Piketty. Devinez quelles sont les seules ressources énergétiques à ne pas avoir souffert de la crise sanitaire de ces derniers mois.
Pour appuyer mon propos, un exemple : en doublant ces investissements annuels dans les réseaux, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables pendant trois ans, tout en prônant un mode de vie plus simple, moins axé sur la consommation et la croissance à tout prix (ce que nous avons vécu ces derniers mois en fait), la croissance augmenterait de 1 % à 1,5 % et au moins 5 millions d’emplois seraient créés. Chaque million de dollars investi crée trois fois plus d’emploi « verts » que dans les énergies fossiles. Il se pourrait que nos priorités et nos valeurs aient quelque peu changé avec la pandémie, non ?
Il y a une bonne raison pour que de plus en plus de fonds d’investissement s’écartent des hydrocarbures, ils ont senti le vent tourner. Il est temps de changer de paradigme, si l’on veut tenir nos engagements d’ici à 2030 et à plus long terme. Trudeau devrait penser qu’en 2050, il sera encore là pour rendre des comptes sur sa promesse d’un Canada carboneutre.
La dynamique est là : les innovations technologiques, les économies d’échelle, un meilleur savoir-faire et des coûts de financement plus bas rendent la production d’énergies renouvelables moitié moins chères. Évidemment, la demande énergétique est en hausse au niveau mondial, les hydrocarbures couvrent encore les deux tiers de la consommation. L’effort doit donc être général, négocié, mais contraignant le cas échéant. Au Canada, comme dans plusieurs autres pays, nous devons arrêter le financement direct ou indirect à la production d’énergie fossile, qui constitue encore 70 % des subventions au secteur de l’énergie. C’est de l’argent jeté par les fenêtres. Favorisons plutôt une économie diversifiée, donnons de l’argent pour la reconversion professionnelle des Albertains.
Le problème actuel est la lenteur de la réduction des gaz à effet de serre (GES), a rappelé le très libéral Sommet de Davos en février. Il faut donc un plan d’urgence. Aucun de nos partis traditionnels (excepté le Parti vert) n’en n’ont ? Il en existe ailleurs. L’Agence Internationale de l’énergie (AIE) a publié un Plan pour une reprise durable, qui enjoint aux gouvernements du monde entier de profiter de la situation présente. 175 pages élaborées avec le Fonds monétaire international (FMI) qui présentent une trentaine de propositions, entre autres la tarification du carbone, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, le renforcement de la résistance des réseaux électriques, les transports collectifs électriques et l’investissement dans des technologies d’avant-garde.
Le hic est d’aller maintenant plus vite, plus fort, plus loin, sinon limiter à 1,5 degré le réchauffement climatique sera impossible. Tu consommes, tu pollues, tu payes, c’est simple, équitable et solidaire. Écoresponsabilité, écofiscalité, deux termes qui, comme l’a constaté le commissaire au développement durable, sont ignorés dans les rangs de CAQ. Ne pas s’y attaquer maintenant revient à garder la tête dans le sable, mais la réalité nous rattrapera...