Troisième anniversaire de la loi 21 : plusieurs mouvements de citoyens manifestent toujours contre celle-ci dans l’ensemble du Québec
Sonia Roy
C’est à l’aube de ce qui sera le troisième anniversaire d’implantation du projet de loi 21 de la Coalition Avenir Québec (CAQ) concernant la laïcité de l’État que des manifestations contre cette loi, jugée discriminatoire par plusieurs citoyens et citoyennes du Québec, se sont organisées. Cette année, Gatineau a fait écho à Montréal et a défilé dans les rues du centre-ville, le 11 juin dernier, afin de protester contre la loi 21, qui interdit tout port de signes ou de symboles religieux pour certaines personnes dans le cadre de leur travail. À Montréal, une manifestation similaire avait lieu à la même date contre cette loi. La loi 21, qui est propre au Québec, stipule que « Sont notamment visés les enseignants et les directeurs des écoles primaires et secondaires publiques, les agents de la paix, les procureurs de la Couronne, les juges de nomination québécoise ainsi que le président et les vice-présidents de l’Assemblée nationale. ». Quant au symbole religieux, le gouvernement québécois le définit comme étant « tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef, qui est soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse ou qui est raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse ». Depuis son implantation dans le système gouvernemental le 16 juin 2019, cette loi a fait et continue de faire énormément réagir les résidents et résidentes du Québec.
Menée et organisée par l’association Droits, diversité et dialogue, la manifestation a débuté près du centre communautaire Yvon A. Grégoire pour ensuite se diriger vers la Maison du citoyen située sur la rue Laurier, en passant par le centre-ville de Gatineau. Plusieurs discours ont ponctué l’événement, entre autres celui de Benoit Renaud, président de Droits, diversité et dialogue : « Nous sommes ici pour bien montrer que cette loi discriminatoire ne fait pas consensus au Québec, que ce n’est pas une loi comme les autres et que nous allons continuer à nous y opposer tant que le principe de l’égalité des droits ne sera pas à nouveau respecté », a-t-il affirmé. La réalité cachée de cette loi, soit le fait qu’elle influence directement beaucoup de femmes, dans certains milieux plus que les hommes, a été bien résumée par Monia Mazigh, auteure et militante pour les droits humains, « Ce sont les institutions qui doivent être laïques et non les individus qui y travaillent. C’est pourquoi on ne peut pas empêcher des femmes de travailler en s’attaquant à leurs convictions profondes ». Yosr Ben Jemaa, une jeune étudiante et activiste musulmane, a conclu en expliquant : « Je suis Québécoise, musulmane, femme voilée et fière de l’être [...] Ces identités multiples, qui me définissent et qui représentent plusieurs femmes québécoises, sont menacées depuis d’adoption de la loi discriminatoire de la CAQ. Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre, de problèmes climatiques et d’inflation, au lieu d’avoir un discours rassembleur, Monsieur Legault mise sur la division et la peur de l’autre. Nous sommes des Québécoises et des Québécois à part entière et ce n’est pas la CAQ qui va dicter ce que ça veut dire, être Québécois ».
Notons que le débat sur la loi 21 a été récemment remis à l’avant dans les médias suivant une nouvelle campagne gouvernementale visant à contrer la pénurie d’enseignants et d'enseignantes qui sévit présentement au Québec. Ainsi, ce même gouvernement ayant procédé au refus d’embauche de personnes qualifiées (dont plusieurs femmes musulmanes qui avaient choisi de porter le hijab) en citant la loi 21 cherche maintenant à remplir ses rangs en interpellant « des personnes compétentes, désireuses de travailler avec et pour les jeunes, des bacheliers, des retraités qui ont à cœur la réussite éducative », tel que mentionné par Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation. Cette campagne de recrutement, jugée ironique par plusieurs qui ne comprennent pas comment on peut renvoyer une personne compétente et qualifiée sous prétexte qu’elle porte un signe religieux en pleine pénurie de professeurs, vient directement relancer le débat sur la laïcité de l’État et son application au domaine enseignant.
photo 1: L’étudiante militante-activiste Yosr Ben Jemaa, à la manifestation du 11 juin 2022.
photo: Gracieuseté de Droits, diversité et dialogue
Photo 2: L'ancien maire de Cantley, Steve Harris, et son fils David protestent contre le projet de loi 21 du Québec le 11 juin à Gatineau. Photo: Amy Pitkethly