ÉDITORIAL
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse
La question du surpeuplement ne concerne pas que les plages du sud de l’Europe, d’où je vous écris. Dans ce cas précis, c’est même un enjeu mineur, puisque cette pression se conjugue d’une consommation bénéfique à toute l’économie locale. Non, je vous parle de la véritable surpopulation à l’échelle planétaire… Selon les données récentes de l’ONU, nous serons 8 milliards fin 2022, plus de 9 milliards dès 2050 et 10,5 milliards d’ici à 2100. Alors que nous étions seulement 2,6 milliards en 1950 !
Et s’il est vrai que la croissance des populations va se faire à un rythme de plus en plus lent, en réalité, elle varie beaucoup d’un endroit du globe à l’autre — comme vous le savez, dans notre Canada vieillissant, les générations ne se renouvellent pas assez vite pour éviter la pénurie de main-d’œuvre et l’alourdissement du fardeau de la redistribution pour les futurs actifs — il n’empêche que l’explosion démographique sur certains continents va créer une pression jamais vue. Nous retrouvons d’ailleurs ici la classique opposition entre les pays de l’hémisphère Nord et les pays du Sud.
Pour inverser la tendance, surtout là où la natalité est forte et les conditions de vie déplorables, une seule solution : l’éducation. L’éducation sexuelle et à la planification familiale. C’est également la question des droits reproductifs ; oui celle qui rejoint le droit à l’avortement par exemple, que l’on voit reculer dans plusieurs grandes démocraties de nos jours… Ce droit à disposer de son corps est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par de multiples conventions est mis à mal par les conservatismes, les religions et une certaine culture patriarcale dans plus de 57 pays encore. Les femmes doivent pouvoir décider d’avoir des enfants ou pas, décider du nombre d’enfants qu’elles veulent et surtout avoir les moyens à leur disposition pour mettre en application leur décision, détail souvent « oublié ». On est loin du compte, croyez-moi : une grossesse sur deux dans le monde est non intentionnelle !
Plus largement, c’est la viabilité environnementale de la planète, en d’autres termes : à quel prix la Terre peut-elle accueillir un tel nombre d’humains ? Quel genre de vie va-t-on donner aux petits d’homme et de femmes qui s’en viennent ? Aménagement urbain et logement, santé et sécurité alimentaire, voilà les deux secteurs-clefs qui subissent de plein fouet cette pression. La priorité selon les experts réside d’abord dans l’accès aux soins de santé, aux « soins reproductifs », c’est-à-dire aux moyens de contraceptions, aux services et à l’éducation objective, scientifique, non biaisée à ce propos. Mais attention, ce dernier élément est bien souvent corrélé au développement socio-économique ; le niveau de vie dépendant du revenu familial doit également suivre les mentalités et l’élaboration d’un système d’éducation ouvert à toutes et tous, qui vise l’émancipation et la responsabilité individuelle. Pas plus tard que l’an prochain, l’Inde surpassera la Chine comme pays le plus populeux du monde. Et dans ces pays-là, compte tenu des conditions de vie qui leur sont offertes, que croyez-vous que les gens vont faire ?
Des migrations de population majeures vont avoir lieu en direction des pays plus développés. Quelle que soit la hauteur des murs qui nous érigeront — concrets ou virtuels — rien n’arrêtera ces migrants, parce qu’il en ira de leur survie.