ÉDITORIAL
Résolutions 2019 (2)
Étonnamment, la semaine dernière, notre représentant de commerce en chef, Justin Trudeau, n’était pas en Suisse. Mais son collègue multicarte du Québec, oui. Pas pour skier, pour travailler! À Davos, avec les 3000 autres grands patrons, grands lobbyistes, grands représentants politiques, nationaux et internationaux. Notez l’emploi généreux de l’adjectif « grand ». En effet, les plus grands sont là. Il faut être là. Chaque année, en Suisse, dans les Alpes. Vous comprenez, ces gens voient grand, ils sont nos leaders. Alors, ils ne manqueraient ce rendez-vous pour rien au monde… Mais pour quoi faire déjà? Là, c’est moins clair.
D’abord, soyons précis : il s’agit du Forum économique mondial (FEM) de Davos. Depuis 1971, cette petite commune (12 000 habitants), équivalant à Aylmer, devient pendant trois jours le centre mondial de l’économie. Cet organisme à but non lucratif a été créé et est financé par les plus gros groupes et entreprises, qui, eux, sont à but lucratif. Le coût d’inscription à ce « forum » (ironiquement « place où les citoyens se rencontrent ») est de 13 000 euros (+ 29 000 euros d’adhésion annuelle). En fait, c’est un club de riches. Supposément « impartial », « indépendant » et « paritaire », cet organisme est en fait dirigé par 23 personnalités triées sur le volet, dont six femmes seulement, telles Christine Lagarde, la présidente du Fonds monétaire international.
En plus, pour y participer, il faut être invité. Objectifs des participants ? S’entendre sur les grandes directions économiques, surtout pas confronter leurs opinions ou amener un débat contradictoire. Faudrait pas être trop démocrate! Ce club tout en anglais fonctionne sur le modèle de management économique inspiré du modèle américain. Mais officiellement, on vise à « améliorer l’état du monde » (article 3 de ses statuts officiels) en cherchant les solutions aux grands problèmes…Par une confiance aveugle dans la bonne foi des entreprises et des grandes compagnies, qui œuvreraient pour le bien de l’humanité. Cette année : « construire l’avenir » et « La mondialisation 4.0 ». Cela vous inspire? Avouons cependant que depuis 2011, le FEM a pris un virage; il encourage à « abandonner les excès du capitalisme pour plus d’engagement social ».
Ce grand exercice de communication et de masturbation intellectuelle - avez-vous observé des améliorations dans l’état de nos sociétés? - n’est pas à l’abri des contradictions, à l’instar des « invités » qui s’y promènent : 1) l’an dernier, alors que son pays n’a jamais affiché plus de fermeture à l’étranger, le président américain y a participé pour proclamer « America first » à la barbe de ses homologues, qui prônent le libre-échange 2) on cherche toujours de nouvelles solutions sans changer la recette néo-libérale, comme réduire les taxes (qui servent à payer les services à la population), réduire les tarifs douaniers (et nos agriculteurs, nos premiers fournisseurs alimentaires, comment les faire vivre décemment)? 3) ce forum n’est pas social, pas culturel, pas politique. É-co-no-mi-que. Or, on fait des leçons et de grands discours éthiques sur l’égalité hommes -femmes, sur la répartition des richesses et, simultanément, on n’est pas capable de réduire la pauvreté et les écarts dans notre propre pays… Comme François Legault, nos dirigeants politiques voudraient nous faire croire que l’économie est tout. Mais tout est lié au contraire. Changeons de paradigme!