ÉDITORIAL
Quelle « transition énergétique » ?
Au moment où j’écris ces lignes, je ne connais pas le résultat précis des élections provinciales. Évidemment, la CAQ va rester aux commandes du Québec, avec une majorité de sièges… et la plus forte minorité de voix parmi les partis en présence. Le résultat d’une distorsion systémique qui a posé et pose un problème grandissant de représentativité démocratique.
Cependant, il existe au moins un sujet qui nous concerne tous (simples citoyens, associations, entreprises, partis de droite comme de gauche — si cette dichotomie existe encore —), un sujet qui fait l’unanimité, mais largement galvaudé et que certains toutefois dénoncent. La transition énergétique doit pourtant une priorité absolue — oui, devant l’inflation, l’immigration ou l’économie — pour le nouveau gouvernement.
Pour comprendre ce concept, il faut se rappeler que notre dépendance aux énergies fossiles (essentiellement pétrole, gaz et charbon), en remplacement des énergies traditionnelles (l’eau et le bois) et au détriment des énergies renouvelables (marémotrice, éolienne, solaire, etc.), cette addiction est un choix qui date de la fin du XVIIIe siècle pour répondre à la poussée démographique et à l’accroissement des productions en Europe. C’est dans les années 1860-1870 que l’hégémonie du charbon se réalise… peu après remplacée par celle du pétrole, à l’orée du XXe siècle. La Première Guerre mondiale marque le début du règne de l’automobile, la seconde celui de l’avion. À l’époque, une convention impose même à tous les états de vendre le kérosène à prix coutant, sans taxe. Cette mesure, qui devait permettre la mobilité du plus grand nombre, nous a juste collectivement précipités dans l’une des crises existentielles les plus graves que l’humanité ait jamais traversées. Nous n’en sommes toujours pas sortis : réfléchissez-y bien, notre mode de vie est littéralement basé sur l’automobile. Et qui est prêt à en changer ? Vous ? Moi ?
Or, plusieurs nous ont prévenus depuis longtemps, bien avant que se présente l’enjeu climatique dans les années 1970, avec la découverte du trou de la couche d’ozone. L’historien Lewis Mumford, le philosophe Ivan Illich ou l’économiste Alfred Sauvy ont entrevu l’impasse du « tout-auto » (autrement appelé la « mentalité moteur »). Mais qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Tous les constructeurs, avec l’aval de nos gouvernements, nous présentent l’automobile électrique comme la solution, un transport propre (quid de sa construction ?), en oubliant de parler de la production d’énergie en amont, par des centrales thermiques ou nucléaires… Objectif d’ici 2050 : la neutralité carbone, qui se fera à coup de subventions massives qui elles-mêmes vont augmenter la pression fiscale, au détriment des revenus et de la redistribution dans des domaines tels que la santé et l’éducation.
De surcroît, le problème demeure que nos solutions ne sont valables que si elles sont également appliquées par les autres régions du monde (90 % de la population mondiale). Nous sommes par ailleurs consommateurs de produits de plus en plus énergivores : électronique de nos véhicules, téléphones 5G, cinéma-maison, frigos ou maisons connectés, métavers… Tous friands de minerais rares, au point que les énergies renouvelables ne pourront probablement pas y suffire. Et c’est sans compter que l’être humain n’a jamais autant brûlé de charbon et de pétrole ! Au fond, une véritable transition énergétique requiert deux actions simples dans les actes — mais difficiles psychologiquement : diminuer notre consommation d’énergie, voire notre consommation tout court ; et limiter l’utilisation de l’automobile et de ces variantes !