EDITORIAL
Quelle austérité
Thierry Vandal, directeur général d’Hydro-québec vient de tirer sa révérence. M. Vandal, l’ami des libéraux provinciaux a toutes les raisons d’être heureux. Comme il n’avait qu’un maigre salaire de 400 000 $, l’ex-premier ministre Charest lui avait généreusement accordé une joyeuse augmentation salariale de 6%. Cherchez-en des fonctionnaires qui reçoivent une telle augmentation. La moyenne est de 1% à 2%. Son contrat avec l’État avait alors été renouvelé pour cinq ans, mais M. Vandal a décidé de quitter avant la fin. En d’autres mots, il démissionne. Qu’à cela ne tienne, son nouvel ami libéral, le premier ministre Couillard, lui accorde une indemnité de départ de 500 000$.
Les travailleurs d’usines connaissent bien cela les indemnités de départ. Quand on déplace les installations vers des pays aux salaires de misère, on accorde généralement aux travailleurs d’ici quelques mois de salaires pour mieux faire passer la pilule et diminuer l’opprobre populaire. Pourtant, on n’a pas retiré le lucratif emploi de M. Vandal, c’est lui qui quitte avant la fin de son contrat. Pourquoi alors lui accorder une indemnité. De quoi est-il indemnisé au juste ? Cela nous rappelle étrangement l’affaire Barrette lorsqu’il a quitté l’Ordre des médecins, mais ça, c’est une autre histoire.
Ce qui est d’autant plus incongru dans cette affaire, c’est que nous sommes en pleine période d’austérité tous azimuts. Les libéraux coupent drastiquement partout dans les comptes publics. Coupe dans la santé, coupe dans l’éducation, coupe dans les programmes sociaux. Pour nous faire accepter la médecine de cheval, on nous a dit que les finances du Québec étaient dans un état déplorable, que nous vivions au-dessus de nos moyens et que nous foncions dans le mur. Nos finances publiques étaient-elles à ce point dans le rouge ?
Ce qu’il faut se demander, c’est si le coût de cette austérité forcée en vaut les bénéfices attendus. À court terme, on atteint le déficit zéro. Bravo! Mais quelles sont les conséquences à long terme? Si nous coupons drastiquement dans les soins de santé, la santé générale des citoyens diminue. Serons-nous économiquement gagnants? Si nous réduisons considérablement les budgets en éducation, nous nous retrouvons avec une population moins scolarisée. Aurons-vous progressé? Il y a quelques années la Banque mondiale a voulu imposer de fortes mesures d’austérité à l’Islande et à la Grèce.
L’Islande a refusé et la Grèce a accepté. L’Islande est aujourd’hui à nouveau prospère. De son côté, la Grèce a drastiquement coupé dans tous ses services publics. La pauvreté, la maladie, la mortalité ont rapidement augmenté. Regardez dans quel état est la Grèce aujourd’hui. Utilisons une analogie. Pour toutes sortes de raisons, votre petite famille a accumulé des dettes. Votre conjoint ou conjointe rentre un soir et vous dit : Ça n’a pas de bon sens, il faut reprendre le dessus. Réduisons nos dépenses. Annulons les assurances, le service d’alarme incendie, les rendez-vous chez le dentiste, les placements pour les études des enfants et les REER. Diminuons l’épicerie et retirons le petit du hockey. Serait-ce de la saine gestion ?
Je ne suis pas contre une saine gestion budgétaire. Si je gagne cinquante milles par année, je ne dois pas en dépenser soixante. Il peut arriver que l’on doive faire du ménage dans nos finances, surtout si nous nous sommes endettés. Toutefois, il faut le faire de façon graduelle, à long terme. On peut atteindre le déficit zéro en un an et mettre le feu dans la baraque, ou faire les choses sur une période plus étendue et conserver une société saine socialement et économiquement. Je doute que les libéraux l’aient cette vision.
Marcel Leclerc
Commentary