ÉDITORIAL
Quel état d’urgence ?
Je suis resté coi il y a quelques jours, lorsque j’ai entendu le gouvernement libéral de Trudeau se joindre aux organismes environnementalistes pour soutenir le rapport du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Entre incrédulité et sentiment d’étrangeté, j’ai regardé plus avant… « Les bonnes actions ne suffisent plus », a déclaré le ministre du « désenvironnement », Steven Guilbeault. Pardon, mais qui est au pouvoir depuis sept ans au Canada déjà ? Ah, mais il s’agit en fait d’aider les Canadiens à faire face aux conséquences de la crise climatique (particulièrement les inondations et les feux, sous nos latitudes). Je me disais aussi… On est contents de voir que Trudeau est de plus en plus convaincu qu’il faut faire quelque chose pour le climat !
La réalité est que la fenêtre pour un avenir « viable » est presque fermée. « Viable » : « qui présente les conditions nécessaires pour durer, se développer », « apte à vivre ». Les faits sont là. Ils ont la tête dure. Les 279 experts venus de 67 pays insistent et signent : les extrêmes météorologiques et climatiques ont entrainé des effets irréversibles, au-delà de notre capacité d’adaptation. Les conséquences continueront d’arriver en cascade, touchant la moitié de l’humanité qui vit surtout en Afrique, en Asie et en Amérique centrale et du sud, ceux que l’on appelle les pays du Sud. Vous voulez des détails ? En Afrique, déclin de la productivité de l’agriculture ; manque d’accès à l’eau potable ; hausse de l’émigration climatique. En Asie, vagues de chaleur ; problèmes de malnutrition ; inondation ; propagation des maladies.
Le pire, rien n’indique aujourd’hui que la tendance veuille s’inverser : nous devrions atteindre 1,5 degré d’augmentation des températures moyennes par rapport à l’ère préindustrielle d’ici 2030-240 et les politiques actuelles de nos gouvernements (y compris celui de Guilbeault et Trudeau) nous mènent en fait à 2,7 degrés. Ces dernières sont trop « fragmentées » et à « petite échelle », selon le GIEC ; une fois de plus, on ne peut que constater le manque de gouvernance mondiale. Nous sommes au XXIe siècle, et nous en sommes encore à jouer chacun pour soi.
Pourquoi ne nous sentons-nous pas concernés ? Peut-être avons-nous l’impression (fausse) que nos dirigeants s’en occupent. Désormais, tous les partis ont leur plateforme verte ; on se dit que même si les conservateurs passaient, ils feraient quelque chose. Comme les libéraux ? La réalité est que le seul parti vert à avoir une véritable compréhension écologique et la plateforme centrée sur cette urgence qui va avec est le Parti vert.
Que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral, nos dirigeants continuent de déclarer pour l’environnement et d’autoriser un étalement urbain sauvage ou de laisser les minières libres de toute responsabilité écologique ou de donner des autorisations de prospection pétrolière et gazière, tout en subventionnant à coups de milliards de dollars cette industrie qui n’emploie directement que 1 % de la main-d’œuvre au Canada !
On se rappellera au passage que les émissions générées par ce secteur dépassent celles de tous les autres modes de transport réunis au Canada, et qu’elles ont augmenté de 21 % par rapport à 1990. Et que les libéraux ont déjà annoncé qu’ils comptaient augmenter la production dans les années à venir. Alors, si l’on est capable de déclencher l’état d’urgence national pour 50 camionneurs ou une pandémie, pourquoi ne pas le faire pour la crise climatique ?