ÉDITORIAL
Quatre hommes et une femme
J’écoutais l’activiste pakistanaise, martyre et plus jeune prix Nobel, Malala Yousafzai, parler devant l’ONU, dans une émission en plusieurs parties de Radio-Canada qui lui était consacrée la semaine dernière. Comme Greta Thunberg l’a fait après elle. Un discours structuré et puissant, illustrant une réflexion poussée et pourtant claire. D’une maturité saisissante. D’une pertinence hallucinante. Et pourtant…
Et pourtant, ce sont des enfants, diraient certains, avec tout ce que cela comporte de sous-entendus : manque de maturité, manque d’éducation, manque de réalisme. Quand ce n’est pas pour insister sur leur soi-disant handicap (dixit Maxime Bernier). Mais avez-vous remarqué que ce sont également des femmes? Et ce ne sont pas les premières que l’on méprise. Faut-il remonter à Antigone ou Jeanne d’Arc?
On dirait que notre société est arrivée à un tournant. Et elle le sait. J’ai l’impression qu’il y a comme un blocage ; on regarde ailleurs, on feint de ne pas entendre, on oublie d’en parler. À nos élections fédérales, il y a cinq hommes – dont un qui n’a même pas encore de députation au parlement - et une femme, et devinez qui est le plus souvent écarté des bilans de campagne quotidiens? À moins que ce ne soit le déni sur l’état de notre planète et les solutions nécessaires pour y remédier...
C’est un peu du pareil au même, cependant j’y vois un sexisme ambiant et inavoué. Ces femmes ont des choses à dire, elles nous montrent la voie, mais non, tournons-leur le dos et bouchons-nous les oreilles. C’est plus confortable… à court terme.
Et vous savez quoi? Cela s’explique aisément par notre physiologie de mammifère. Vous vous dites : « Il déraille, là! ». Je vous invite à lire le livre le Bug humain de Sébastien Bohler. L’auteur, docteur en neurosciences, nous rappelle que depuis un demi-milliard d’années, les êtres vivants – surtout les mammifères - ont été programmés et se sont améliorés (sélection naturelle oblige) pour survivre à brève échéance. Pour cela, souris, singes ou êtres humains se sont concentrés sur quelques objectifs seulement : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d’efforts et recueillir un maximum d’informations sur leur milieu. Ce furent longtemps les conditions à leur survie. Et malheureusement pour nous, contrairement à ce que pourraient nous laisser croire nos progrès et notre confort sur le plan matériel, les mécanismes qui régissent nos comportements n’ont quasiment pas changé. Nous n’en avons pas conscience parce que leur siège est profondément enfoui dans notre cortex. C’est instinctif.
En gros, les mâles les plus influents ont aussi plus d’enfants et tendent à répandre leurs gênes de dominants. Sur des millions d’années d’évolution, cela a donné certaines « habitudes » aux hommes, comme celle de ne pas écouter forcément ce que dit une personne inférieure dans la hiérarchie du groupe… comme une femme. Au point de nier jusqu’à son existence ou l’attaquer dans son intégrité physique et morale? Tout plutôt que de lui conférer un statut égal, alors… Je suis certain que vous avez compris.
Se peut-il que l’homme (le mâle), du fond de son cerveau antédiluvien, ne soit tout simplement pas capable (sans un peu d’aide) de montrer la même conscience à long terme, la même intelligence universelle, la même dignité qu’une Greta, une Malala ou une Elizabeth?