ÉDITORIAL
Ode à la génitrice
Qu’a-t-elle reçu ? Un dessin maladroit, un collier de nouilles, un poème, des fleurs, un bon-cadeau pour le spa ou une manucure ? Quel est le cadeau parfait pour une maman ? On sourit avec tendresse quand nos enfants ont 5 ou 10 ans, à 15, cela devient plus complexe pour aboutir à une contrainte (plus ou moins) ou à une célébration un peu quétaine rendus à l’âge adulte. C’est la fête des Mères !
Cette fête a pourtant une histoire des plus ancienne, aussi vieille que le patriarcat… ou presque. On en trouve les premières traces dans la Grèce antique, mais aussi dans toute l’Asie Mineure, puis à Rome. Toutes ces festivités en l’honneur des « matrones » se déroulaient déjà au printemps, la saison de la fertilité par excellence. La vénération de la « vierge » Marie, qui va la remplacer en Europe au Moyen-âge, n’est pas née de rien… Plus tard au XVe siècle, les Anglais ont leur Mothering Sunday pendant le carême, mais c’est seulement aux États-Unis, en 1908, que la fête telle que nous la connaissons voit le jour, et cela en souvenir de la mère de l’institutrice Anna Jarvis, une militante des droits de la femme dans le domaine de l’éducation. Mother’s day adopté au Royaume-Uni en 1914, puis par l’Allemagne en 1923, avant que les autres pays européens embarquent. La Première Guerre mondiale permet aux Américains de diffuser l’idée, via leurs associations de secours aux blessés, aux populations occupées ou tout simplement par les soldats du corps expéditionnaire. Cela commence avec la distribution d’une carte postale à envoyer aux mères des militaires et par un film d’actualité réalisé par Gaumont.
La fête des Mères est donc officialisée dès 1918 en France, en souvenir des mères dont les enfants sont morts au combat, sur fond de crainte qu’une dépopulation survienne. Mais c’est sous le maréchal Pétain, pendant la Seconde Guerre mondiale, dont la devise est « Travail, famille, patrie », que cette fête va devenir une célébration quasi liturgique. La date au dernier dimanche du mois de mai en sera fixée par une loi en 1950 en France, alors qu’ici, elle se déroule plutôt le deuxième dimanche, sous l’influence étatsunienne. Aujourd’hui, c’est également devenu une fête commerciale, qui voit les familles dépenser des dizaines de dollars (voire des centaines, comme aux États-Unis), et qui est célébrée partout dans le monde…
Pourtant, on pourrait essayer de prendre un peu de hauteur, de sortir du cadre. En effet, tout comme la Saint Valentin, elle semble d’abord être une fête commerciale si elle se résume à acheter un bouquet et aller manger au restaurant. Il suffit de voir les publicités, les promotions et autres incitations qui pleuvent à cette occasion. Surtout si c’est pour renvoyer la femme à son rôle de ménagère (pensez à tous les spéciaux sur l’électroménager !) ou de « passionnée » des cosmétiques, des vêtements, des bijoux et des accessoires de mode. À une époque où les mères les plus âgées sont souvent remisées dans une maison de retraite, il y a là une cruelle ironie : on recrée le temps d’un repas la famille que l’on oublie au quotidien. En même temps, comment ne pas rendre hommage à toutes ces femmes remarquables, que la société somme d’être à la fois une amante, une mère et une professionnelle parfaite ?