Nouvelles du Camino… les pèlerins
À la demande populaire, je poursuis… avec mes nouvelles en retard (!) de mon périple du printemps 2017 sur le Camino francés. Je me disais qu’il y avait quand même une limite avec des nouvelles en retard dans un hebdomadaire. Mais finalement, des histoires du Chemin de Compostelle se racontent en tout temps. Plusieurs rêvent de l’entreprendre, certains en sont curieux, d’autres s’y préparent et ceux qui l’ont déjà parcouru ne se lassent pas d’en parler.
N’ayant pas pris de notes en route, je ne pensais pas en avoir autant à écrire. Au fait ce fut probablement bon de ne pas avoir pris de notes puisque je serais peut-être prise avec « aujourd’hui, réveil à 7 h, banane et yogourt, partie à 8 h, salué un tel qui partait après moi, transporté trop d’eau, il a plu, arrêtée après 8 km à Molinesaca et mangé une tortilla, passée deux fois à la toilette pour m’assurer d’avoir la vessie complètement vide avant de reprendre la route… platement zetcétéra. » Bon, j’exagère un peu.
Aujourd’hui, mon cœur a envie parler des pèlerins.
« Buen Camino »
C’est la tradition, on se croise sur le sentier et on se dit « buen camino » (bonne route, bon chemin). En partant de Saint-Jean-Pied-de-Port, point de départ pour plusieurs, les « buen camino » sont pleins d’enthousiasme, d’énergie, de grands sourires. On se tourne la tête pour répondre, c’est trippant. On est pas mal tous dans un état de fébrilité et d’émerveillement devant cette aventure inouïe qu’on entreprend, certains seuls, d’autres en petits groupes. Ça m’a beaucoup fait rire toutefois de me rendre compte qu’à mesure que les jours passaient, les « buen camino » devenaient de plus en plus faibles. On ne se tourne plus la tête, juste les yeux, pour répondre, mais on offre quand même un « buen camino ». Au bout de quelques semaines, on commence même à entendre quelques faibles « holà » On commence à être fatigués, mais on se salut quand même.
Toutefois, en fin de journée, après avoir trouvé où loger, déposer son sac et pris une douche, on a un regain d’énergie. C’est alors assez joyeux sur les terrasses remplies de pèlerins, on raconte les anecdotes du jour, on se donne des nouvelles d’un ou l’autre qu’on a croisé pendant la journée, on déconne. Rencontres et convivialités internationales précieuses. On y retrouve des gens qu’on n’a pas vus depuis quelques jours, qu’on croyait peut-être « finito ». Parfois on a l’agréable surprise d’entendre parler Québécois à la table d’à côté. On découvre des gens extraordinaires, parce que juste ordinaires, à leur naturel. Ça, c’est rare.
Élaine, Tina, Mario, Jean-François, Benny, Joeri, Suzanne, Kerry-Ann, Dom, Jess, Rachel, Paul, Ariana, José, le Polonais, les deux filles de Jérusalem et tant d’autres.
Sur le chemin, j’ai rencontré plein de bon et beau monde qui m’ont marqué beaucoup plus que je n’aurais voulu le croire au départ. Pas besoin de forcer la chose, une camaraderie s’installe sans même devoir se parler. Il y a le Polonais, je le cherche toujours. Je ne me souviens pas de son nom, il y avait tant de noms. Je l’ai croisé et recroisé pendant quelques semaines. On échangeait quelques mots, quelques rires, quelques essoufflements. Un jour, ça faisait plusieurs heures que je marchais seule dans une forêt sans croiser qui que ce soit et tout à coup, surprise, le Polonais est là, juché sur une grosse roche. Gros sourire, il m’offre immédiatement un morceau de saucisson et de baguette, juste comme ça.
Je prends quelques bouchées, « buen camino » et je repars. Ça me chicotte, la dernière fois que je l’ai croisé, imagine, je suis repartie en faisant des folies, en chantant « Hit the road Jack, and don’t you come back no more… ». Mé vieux, je ne l’ai plus jamais revu! Hum… p’tite peine.
Où est passé Mario? Un grand gars sympathique, qui marchait pas mal vite, sans problèmes physiques, il l’avait l’affaire. J’ai retenu qu’il n’avait pas les chevilles raides, il bondissait joyeusement en marchant. Ça m’a bien servi de l’imiter.
Un jour, alors que je n’avais rencontré personne depuis un bon bout, je me suis retrouvée mal prise dans un mauvais passage. Précipice (et j’ai le vertige!), marches douteuses pour monter, j’étais comme coincée, rendue à genoux pour essayer de grimper. Tout à coup j’entends (en anglais), « Attends-moi, j’arrive, attends-moi, je vais t’aider! ». Une fille inconnue arrivait à mon secours. Une Hollandaise. On a marché ensemble pour un bout. Je ne l’ai pas revue.
À l’approche de la Cruz de Ferro (croix de ferre), les deux filles de Jérusalem… Ben là, il va falloir que je te raconte ça la semaine prochaine, j’en ai trop à dire.
Carolle Bertrand est native d’Aylmer – chanteuse/musicienne, artiste visuelle, chroniqueuse. Pour en savoir plus et pour lire les chroniques précédentes, visitez son espace sur le Web http://carollebertrand.canalblog.com. Courriel : Carolle.Bertrand@gmail.com