ÉDITORIAL
Myope comme une taupe
L’ironie est tellement évidente qu’elle en est risible! Selon le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, l’environnement pourrait bien être LA question de l’urne à l’automne (« la question de l’environnement va jouer un rôle important »). Il ajoute : « notre gouvernement a choisi de mettre un prix sur la pollution ». C’est vrai, mais c’est tout : à part la fameuse « taxe carbone », les libéraux de Trudeau ne prévoient rien d’autre… Ah! si : un nouveau rabais de 5000 $ sur l’achat d’un véhicule électrique ou à l’hydrogène… de plus de 40 000 $ et une réduction d’impôt aux entreprises à hauteur de 55 000 $ pour la même raison. Quelle vision à long terme!
S’il n’y avait eu la nouvelle que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde, en même temps que le rapport extrêmement critique du commissaire à l’environnement, personne ne semblerait s’étonner que l’environnement soit quasi absent des deux budgets, fédéral et provincial. Comme quoi, on se fout — pardonnez-moi la familiarité — complètement de la parole des jeunes. C’est une véritable gifle quelques jours après que le ministre de l’Environnement a reçu les leaders étudiants du mouvement « La planète s’invite à l’université ».
Ainsi, au niveau provincial, la situation est hallucinante, alors que les surplus n’ont jamais été aussi importants depuis dix ans! Un chiffre peut résumer cela : 0,21 %. C’est la part des dépenses du gouvernement du Québec pour l’environnement. Contre 50 % pour la santé et 23 % pour l’Éducation. Moins que le tourisme. Certains rétorqueront que les moyens dévolus à l’environnement sont dans d’autres ministères (Ressources naturelles, Transports, Affaires municipales, etc. voire chez Hydro Québec, à en croire leur dernière publicité). Présentement, les caquistes prévoient d’investir 1,3 milliard sur six ans contre les changements climatiques, soit environ 250 millions par an. Au programme, quatre dispositions au budget à peu près égal : la lutte contre la pollution due à l’activité humaine; la prime à l’achat d’une voiture électrique (mesure reconduite, mais qui termine en 2020); l’accompagnement des entreprises dans leur transition énergétique; enfin, la décontamination de « terrains stratégiques » (?) et à la construction d’infrastructures destinées aux « entreprises innovantes » (?). Le lien avec l’environnement reste à déterminer sur ces deux derniers points. Quid d’une franche réduction des tarifs de transport public, ou pourquoi pas la gratuité pour les moins de 21 ans? À quoi servent les 18 milliards du Fonds des générations? Le tramway à Gatineau? On préfère construire des autoroutes, bien sûr, comme le « troisième lien » entre Québec et Lévis.
Au fond, ni Legault ni Trudeau n’ont compris que les problématiques sont interconnectées et la situation radicale, que les solutions doivent donc toucher tous les domaines et être tout aussi radicales : ressources naturelles, transport, gestion des déchets, construction, biodiversité, industries, justice sociale, éducation, culture, santé, agriculture ou droits des animaux… L’Organisation internationale du Travail a calculé que la réduction des gaz à effet de serre pourrait créer quatre fois plus d’emplois qu’elle n’en détruirait… Et cela fonctionne d’autant mieux que le pays en questions dépend moins des énergies fossiles. Comme le Québec. Une autre bonne raison de changer rapidement de paradigme, oui, radicalement. Mettons l’écologie au cœur de nos préoccupations.