ÉDITORIAL
Méchant paradoxe!
Je suis fédéraliste… ou alors ultra-indépendantiste! Je viens de le découvrir il y a quelques jours, au détour d’une lecture. En effet, j’apprenais en lisant le journal que le gouvernement du Québec allait s’associer au recours de l’Alberta et de la Saskatchewan devant les tribunaux pour contrer la taxe carbone d’Ottawa. Et oui, vous avez bien lu. Mais attention, Legault et ses sbires, qui ne comptent pas s’opposer à cette tarification du dioxyde de carbone émis par de gros pollueurs et qui les oblige à verser une contrepartie financière, donc Legault n’est pas contre la taxe, mais plutôt contre le principe de l’imposer aux gouvernements provinciaux. Subtile nuance qui pourrait conduire au même résultat : si ces provinces gagnaient leur cause, alors chacune serait effectivement libre de faire ce qu’elle veut en matière de lutte contre les changements climatiques! Cool, non, quand on voit le climatonégationnisme de ces mêmes provinces de l’ouest?
Ce paradoxe, qui est le résultat d’un système politique colonial venu du XIXe siècle, tient à la constitution même de la confédération. Avec ses compétences partagées entre les provinces et le gouvernement fédéral qui n’ont jamais été revues, sous prétexte que l’on ne peut toucher à la constitution, ce texte sacré directement livré aux hommes par les dieux (c.-à-d. les « Pères de la Confédération »). Justement, le respect de la constitution canadienne est un des arguments du Québec. Et peut-être a-t-il légalement raison. Le problème n’est pas là. Au fond, la constitution n’est-elle pas tout simplement obsolète? Le système politique n’est-il pas vicié dans ses fondements? En France, depuis l’avènement de la république en 1789, il y a eu cinq constitutions! Sans ériger la France en parfait exemple, admettons qu’une constitution doit être adaptée à son époque.
En réalité, Legault a tout simplement peur que Trudeau lui impose une taxe plus élevée ou encore d’autres contraintes au nom de la protection de l’environnement, tout comme il pourrait imposer un pipeline pour des motifs économiques! S’il était établi que le palier fédéral a préséance sur le provincial en la matière. Ce pourrait être justifié, après tout : la « Belle province » est loin d’être la championne de l’environnement que nos vendeurs multicartes au pouvoir présentent comme telle; nous consommons toujours plus de pétrole et achetons toujours plus de gros véhicules polluants.
Le pire, c’est que ce genre de manœuvre n’est pas nouveau. Et si rien ne change, cela se reproduira. Pensez au combat permanent, depuis des dizaines d’années, engagé par les écoles et les conseils scolaires francophones partout ailleurs au Canada, mais surtout à l’ouest, pour l’obtention de la gestion de leurs organismes et réseaux. Encore aujourd’hui au Yukon, les francos se battent pour pouvoir être libres de gérer les fonds qui leur sont dus. Calcul du Québec : si tous ces droits étaient accordés aux minorités francophones hors Québec, qu’est-ce qui empêcherait notre minorité anglophone de réclamer les mêmes, ou plus encore?
Difficile de ne pas s’apercevoir qu’il y a là un véritable enjeu collectif. L’indépendance réglerait-elle le problème? Ici et maintenant, en partie. Mais il faudrait quand même s’entendre entre pays, contraindre les plus récalcitrants… Et à court terme, il me semble que seule une instance supérieure, comme un gouvernement « supra-national », est en mesure d’imposer ce qui doit l’être au nom du bien-être collectif.