Audiences publiques sur «l’accaparement des terres agricoles»
Les terres agricoles de l’Outaouais sont-elles dans la ligne de mire du privé?
Laurent Robillard-Cardinal
Le gouvernement provincial annonçait le 2 mars que des audiences publiques sur l’accaparement des terres agricoles se tiendraient les 16 et 17 mars.
Ces audiences sont organisées par la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles et entendra des intervenants du milieu agricole et des secteurs financier, académique et municipal. «Avec l’importance croissante que prend ce phénomène dans le débat public au Québec, il nous apparaissait essentiel d’entreprendre une réflexion à ce sujet. Nous entendons donc mettre à profit la connaissance et l’expérience des acteurs directement touchés par l’accaparement des terres agricoles afin de mieux comprendre les enjeux relatifs au secteur agricole québécois», a déclaré la présidente de la Commission et MAN, Mme Nicole Léger. Les travaux permettront à la Commission d’avoir un meilleur aperçu de la situation, analysant, entre autre, les modèles d’affaires retenus par les investisseurs. Le phénomène qui demande réflexion est celui des fonds privés de capitaux propres qui achètent de grosses portions de terres à un prix fort, créant ainsi une inflation de la valeur des terres agricoles.
À cause de sa géographique, l’Outaouais ne se retrouve pas dans une situation aussi alarmante que d’autres régions du Québec. «L’Outaouais est trop dispersé pour accaparer des terres suffisamment grandes pour qu’il en vaille la peine. La région est composée plutôt de petites terres et de vallons. En général, il faut de grandes terres plates», dit Gib Drury, membre exécutif de «Quebec Farmers’ Association (QFA)», «Les investisseurs recherchent habituellement des blocs de 1 000 acres et non de 100 ou 200 acres.»
Le Pontiac est touché
Toutefois, Guillaume Charest-Hallée, planificateur pour l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) Outaouais-Laurentides, dit que «l’accaparement des terres agricoles» comporte des aspects qui ne touchent pas l’Outaouais. «Ce qui est le plus alarmant en Outaouais, depuis quelques années, c’est l’achat de fermes par des gens qui résident à l’extérieur de la province. Nous soumettrons un rapport qui traite de cette question. Cette forme d’accaparement de terres agricoles nous préoccupe en Outaouais», dit M. Chrest-Hallée. Plusieurs de ces acquisitions par des étrangers sont concentrées dans le Pontiac.
L’accaparement de terres agricoles inclut l’achat de terres agricoles à l’extérieur des périmètres urbains. «Ce phénomène est évident sur la rive nord de Montréal mais il est difficile de le documenter. Des investisseurs achètent des terres à l’extérieur du périmètre urbain avec aucune intention d’exploiter la terre agricole», explique M. Charest-Hallée.
Il en résulte donc de l’étalement urbain tel qu’on a pu le constater à Aylmer il y a une douzaine d’années. Des groupes d’investisseurs de l’Ontario ont acheté des terres à l’extérieur du périmètre urbain et ont attendu (certains attendent toujours) que la ville grandisse ainsi que son périmètre urbain. Au fur et à mesure que la ville s’agrandit (s’étale), la valeur des terrains augmente ainsi que l’intérêt des promoteurs immobiliers. La Fédération de la relève agricole Québec (FRAC) a lancé une pétition il y a de ça plusieurs mois et compte maintenant 2 800 signatures.
La FRAC est d’avis que de tels regroupements de terres agricoles rendent l’agriculture quasiment impossible pour les jeunes fermiers. «Le prix des terres ne semblent pas être la préoccupation la plus importante des investisseurs. Dans certaines régions, un acre peut se vendre pour 15 000$ ou 20 000$ alors que d’un point de vue de production agricole ce même acre ne vaut que 3 000$ ou 4 000$», fait remarquer M. Drury, «Ces montants de 15 000$ ou 20 000$ n’ont rien à voir avec la valeur pour fins de production agricole.»
La FRAC dit que les jeunes fermiers ne peuvent payer de tels prix pour l’achat, ni même pour la location de ces terres. Une fois les terres acquises, les investisseurs cherchent à les louer.»