ÉDITORIAL
Le serpent de mer
Nous pourrions nous réjouir d’entendre la mairesse Bélisle annoncer son intention de placer dans la liste des enjeux à présenter au gouvernement provincial fraîchement élu le projet de tramway à l’ouest de la ville. Cependant, pourquoi le remettre sur la table, alors qu’ à part pour le palier fédéral - merci Greg Fergus - il fait déjà consensus ?
Personnellement, je ne comprends pas. S’assurer (à nouveau) que le gouvernement « continuera » dans ce projet nécessaire, structurant et écologiste ? Instiller un doute sur sa pertinence sans le remettre en cause frontalement ? J’ai un doute sur les motivations profondes de notre nouvelle élue. N’a-t-elle pas elle-même parlé de le « repositionner » ? Creusons un petit peu.
Visiblement, les autorités fédérale et provinciale ne s’entendent pas sur le financement et la gestion de ce projet qui sont désormais interprovinciaux, depuis que l’arrimage avec le système de transport ottavien a été acté par toutes les parties. La ville et la STO déclarent vouloir garder en ligne de mire le rail plutôt que la route (l’autobus), mais l’harmonisation des deux réseaux semble problématique… Se désengager de cette initiative telle qu'elle est aujourd'hui est-ce la solution ? En tout cas, le résultat est clair : le financement pour l’étude de l’avant-projet n’est même pas encore arrivé !
Or, à trop tarder, nous allons avoir dans 10 ans un moyen de transport dont la technologie datera d’il y a 15 ans, celle utilisée par Ottawa avec le succès — mitigé — qu’on lui connait. On parle -là d’un « retard » de 25 ans. Une génération ! Veut-on vraiment de cela ? Quelle vision d’avenir, quel leadership environnemental cela illustre-t-il ? Puisqu’il s’agit d’un enjeu de gouvernance, la ville pourrait reprendre la main et changer le tracé, abandonner l’idée du lien interprovincial, réviser le choix de la technologie… Mais cela signifie également repartir de zéro !
En réponse à ces atermoiements, la réponse de nos élus est molle ; ni Mathieu Lacombe ni Greg Fergus ne semblent prendre la mesure de la frustration de la population ; ils disent « continuer à travailler avec tous les partenaires ». Pour ? Rien : aucun résultat tangible dans un dossier dont j’entends parler depuis mon installation dans la région en 2005 ! Ils manquent tout simplement de leadership. Ou bien le député McKinnon et son souhait d’un sixième pont à l’est de la ville a-t-il plus de poids auprès de Trudeau que notre représentant dans Hull-Aylmer ?
Ce qui est certain, c’est que toutes les études montrent que le tramway, en plus d’être moins polluant, représente le meilleur moyen pour répondre aux enjeux de transport collectif en général : il permet de transporter deux fois plus de gens que des autobus et l’on sait qu’une plus grande rotation de petits transports vaut mieux qu’un autobus accordéon à la demi-heure, fût-il un service rapide par bus. À l’horizon 2030, poursuivre sur la lancée du Rapibus signifierait en effet davantage de congestion routière et plus de GES.
L’argument qui prévaut en ce moment de la complexité extrême du projet, parce que nécessitant une coordination entre cinq gouvernements distincts, ne doit pas nous faire oublier une chose : le projet d’un transport structurant et écologique à l’ouest de la ville est absolument nécessaire. Et entre nous, on en a un peu assez d’être les parents pauvres de l’accessibilité aux services essentiels ici, à Aylmer.