--- Le livre blanc sur la refonte de la Loi sur les langues officielles ne fait pas l’unanimité chez les défenseurs de l'égalité linguistique
Jordan Gowling
Le 19 février dernier, le gouvernement fédéral a publié son document stratégique tant attendu, qui décrit les réformes visant à moderniser la Loi sur les langues officielles, à la suite de consultations menées à l’échelle du pays. Toutefois, le document intitulé Anglais et français : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada a reçu un accueil mitigé de la part des défenseurs des langues.
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, se dit heureux de constater que le principe de l'égalité réelle du français et de l'anglais est au cœur des réformes. De même, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Jean Johnson, a exprimé son appui aux mesures législatives proposées. « Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, la pierre angulaire de notre régime linguistique, la Loi sur les langues officielles, doit être revue en profondeur afin qu’elle soit actuelle, dynamique et robuste », mentionne M. Théberge dans une déclaration publiée par son bureau. « C'est pourquoi je me réjouis de l’envergure des mesures proposées par le gouvernement ».
Le livre blanc présente une série de modifications proposées par le gouvernement, telles que l'augmentation du nombre de places dans les programmes d'immersion française partout au Canada, l'imposition du français comme langue de travail dans les entreprises de compétence fédérale au Québec et dans les régions « à forte présence francophone à l'extérieur du Québec », la nécessité de nommer des juges bilingues à la Cour suprême, et l'amélioration du soutien offert aux fonctionnaires fédéraux dans l'apprentissage de leur langue seconde.
Le Quebec Community Groups Network (QCGN) se dit « prudemment optimiste » quant au plan de refonte proposé, mais également déçu que les propositions ne répondent pas à leurs préoccupations de longue date concernant la sous représentation des Québécois anglophones dans les institutions fédérales au Québec. « Les Québécois d’expression anglaise devraient se méfier des propositions visant à étendre les obligations relatives à la langue française aux entreprises sous réglementation fédérale au Québec », a déclaré la présidente du QCGN, Marlene Jennings, dans un communiqué publié par l'organisme. « Nous réclamons que les consommateurs et les travailleurs d’expression anglaise puissent communiquer avec ces entreprises dans la langue officielle de leur choix ».
De même, le défenseur des droits des minorités Colin Standish, qui est le fondateur d'un organisme appelé Language Equality/Égalité linguistique, affirme que les changements proposés pénaliseraient les communautés de langue anglaise au Québec. « Ce qui me préoccupe le plus, c’est que l’article 4.3 du livre blanc vise à augmenter l’utilisation du français dans les entreprises de compétence fédérale établies au Québec. Je pense que c’est une très bonne chose, mais encore une fois, cela n’inclut pas les droits et les garanties réciproques pour les Québécois d’expression anglaise », a dit Standish.
Ce dernier est également d’avis que certains aspects des réformes proposées sont bizarres, notamment la création d'un « comité d'experts » qui sera chargé d’établir les nouvelles lignes directrices sur la langue française, ainsi que de déterminer ce qui constitue une région francophone désignée à l’extérieur du Québec. « On ne précise pas qui seront les experts qui siégeront au comité, la façon dont ils réaliseront leur mandat, le type de pouvoirs qui leur seront conférés, ni la légitimité qui leur est reconnue. Et, dans les 60 jours, ce comité d'experts [...] va définir un tout nouveau régime de marchés du travail sous réglementation fédérale », a t il dit.
Standish souligne également le caractère inconstitutionnel de l’habilitation de l'Office québécois de la langue française (OQLF) à faire respecter, au nom du gouvernement fédéral, les lois sur l’utilisation du français en tant que langue de service et de travail au Québec, en plus de modifier le processus de sélection des juges de la Cour suprême. « Modifier le mode de sélection des juges ou la composition de la Cour suprême est inconstitutionnel au Canada », a-t-il déclaré. « Toute modification doit être officiellement prévue par notre Constitution ».
Lors d’une conférence de presse le 19 février à Ottawa, la ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, s'est dite consciente de l'anxiété chez les anglophones du Québec. « Oui, nous devons agir pour protéger le français, qui est en déclin au Québec et dans le reste du pays, mais non pas au détriment des anglophones », a-t-elle soutenu.
La version intégrale du livre blanc est disponible à l’adresse suivante : https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/organisation/publications/publications-generales/egalite-langues-officielles.html#a6d3.