ÉDITORIAL
Le casse-tête canadien
La vie politique canadienne est délicieusement complexe pour un observateur extérieur. Je me suis surpris à le redécouvrir en essayant d’expliquer la constitution récente du gouvernement libéral par Trudeau à mes parents. 4 semaines pour en arriver à 36 ministres, dont 18 femmes — félicitations quand même — dont 17 Ontariens… et 10 Québécois, proportionnellement à leur nombre dans le caucus ! Tant de temps… chaque choix doit forcément signifier quelque chose.
En effet, le premier ministre a non seulement l’obligation de représenter le choix des électeurs, mais également de respecter la mixité, la diversité culturelle canadienne et les différentes régions, d’est en ouest en passant par les plaines. Sinon, on pousse des cris d’orfraie, on l’accuse de mépriser tout ou partie de ces composantes. Il faut donner simultanément une impression de stabilité et d’innovation, car les « traders » sont fragiles psychologiquement : il ne faudrait pas les traumatiser, les faire paniquer, faire dégringoler les indices boursiers et récolter finalement une mauvaise note ! On se croirait revenus à l’école primaire. Dans ces conditions, il faut admettre qu’il s’agit littéralement d’un véritable casse-tête.
Ah, j’oubliais : il faut éventuellement placer des gens compétents dans leur ministère respectif. Mais j’ai un doute… Comment mesurer la compétence d’un gouvernement ? À la quantité de promesses tenues ? À la concrétisation effective — qualitative — de ses paroles ? À l’atteinte de ses objectifs ? Et dans ce dernier cas, on peut mettre en parallèle le choix des ministres avec les buts. Au premier coup d’œil, d’après la liste des noms, et une fois mis de côté le jeu de chaise musicale, il semblerait que l’on retrouve pas mal les mêmes. Donc, les libéraux auraient-ils les mêmes objectifs, qu’ils ont eu quatre ans pour atteindre au moins partiellement, sans vraiment de succès ?
Par exemple, Mme Freeland, à l’origine au commerce international, puis propulsée ministre des affaires étrangères, et qui ne s’est finalement occupée que de commerce international, ce qui a conduit le Canada sur la touche, donc Mme Freeland doit maintenant éteindre le feu dans les relations entre les provinces et le fédéral. Certains diraient : trouver la quadrature du cercle, compte tenu de l’incompatibilité entre les demandes des provinces qui ne jurent que par les hydrocarbures et les autres, qui n’en veulent pas. La schizophrénie menace ce gouvernement chaque jour un peu plus. La nomination de Pablo Rodriguez comme « lieutenant du Québec », afin de contrer le Bloc est une autre nouveauté purement pratique et électorale. Au fond, ce cabinet essaie de ménager la chèvre et le chou, de faire plaisir à tout le monde sans satisfaire personne.
Mais il est un cas particulièrement intéressant : Steven Guilbeault. Personnellement, je ne suis pas offusqué qu’il se retrouve au patrimoine ; pourquoi pas à la famille ou à la sécurité publique ? Depuis le départ, il est évident qu’il n’est qu’un instrument, un élément du markéting électoral des libéraux, leur faire-valoir environnemental. Et maintenant, en récompense, on lui donne un petit quelque chose ! Visiblement, ce militant écolo de la première heure n’a pas compris l’expérience de Nicolas Hulot en France, qui, lui au moins, avait eu le portefeuille de l’environnement. Il avait fallu un an avant que ce dernier se rende compte que sa présence ne provoquait aucun changement dans les politiques environnementales, sinon de vaines gesticulations et des paroles creuses.