ÉDITORIAL
La mairie, la loi 40 et les écoles
Mettons une chose au clair : à Gatineau, il est plus facile de construire des condos que des écoles. Partant de cette réalité, pourquoi ne pas se réjouir qu’une loi permette aux nouveaux « Centres de services scolaires » d’acquérir des terrains pour y construire des écoles sans les acheter? Rien qu’à Aylmer ces dernières années, nous avons été les témoins impuissants de pitoyables tentatives entre la mairie, la CSPO et les promoteurs immobiliers. Le résultat de ce feuilleton ubuesque est quand même que nos enfants vont finalement aller dans une nouvelle école édifiée sur un terrain contaminé, derrière le Centre aquatique Paul-Pelletier. Au prix de trois ans de retard sur la construction et d’une surpopulation problématique de Grande-Rivière! Pas surprenant : la mairie négocie avec des interlocuteurs riches et dont le seul but est le profit. Et ici, la CSPO n’en a pas rajouté, bienheureuse d’avoir trouvé un espace libre!
Avec la loi 40, Legault enfreint certes un principe majeur de la gouvernance canadienne : ne surtout pas toucher aux prérogatives de chacun. Que ce soit entre gouvernements fédéral et provincial ou gouvernements provincial et municipal, l’ordre constitutionnel doit régner. Sinon quoi? L’anarchie? La révolution? Selon le maire Pedneaud-Jobin, que j’apprécie vraiment par ailleurs, il se pourrait que l’on en vienne alors à réquisitionner des terrains pour construire des hôpitaux… Vous vous en rendez compte ? Ça serait honteux! Il semble oublier un petit détail : ce sont des besoins fondamentaux, des exigences de base de tout citoyen que d’avoir accès à des soins de santé ou à une éducation. Pas dans 5, 10 ou 15 ans. Aussi vite et efficacement que possible. Vues sous cet angle, les municipalités ne se sont pas montrées bien fortes.
Ceci étant dit, il faut convenir que Legault s’est comporté comme un autocrate, en ajoutant des amendements à la dernière minute, sans consultation préalable du palier municipal. Il refile la facture aux municipalités d’une certaine manière, puisque les Centres de service, une fois qu’ils auront acquis ledit terrain, demanderont aux villes de payer pour. Le maire menace donc d’augmenter les taxes municipales; au bout du compte, c’est nous qui payerions. Serait-ce un problème? Au moins, quitte à payer des impôts, nos enfants auraient une école sur un terrain digne de ce nom, et pas un dépotoir ou un terrain en bord d’autoroute, vendu à prix d’or à la ville par des promoteurs immobiliers.
En fait, il existe une autre possibilité qui conviendrait à tous : le droit de préemption : « droit conféré à une personne de se substituer à un tiers acquéreur éventuel et de l’évincer en offrant au vendeur d’acquérir le bien aux mêmes conditions que le tiers acquéreur ». Or cela existe juridiquement au Québec. En d’autres termes, la ville de Gatineau ou les Centres de services éducatifs pourraient devenir prioritaires afin d’acheter un terrain, à condition de le payer au prix courant. Depuis novembre 2018, la mairie de Montréal s’en est prévalue par règlement municipal afin de construire bibliothèques, centres sportifs, parcs, etc. Pourquoi pas nous? Avec son tout nouveau règlement « vert » sur les constructions de plus de 2000 m2, la mairie semble quand même vouloir prendre des mesures majeures. Nous verrons si elle peut enfin se tenir droite.