ÉDITORIAL
La leçon des urnes
Récemment ont eu lieu en France les élections régionales. Késako, me direz-vous ? La France est divisée en grandes régions — un peu comme les provinces au Canada — elles-mêmes subdivisées en départements, à l’intérieur desquels nous retrouvons des municipalités. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette division du territoire national français ne s’appuie sur aucune réalité socioculturelle récente. Historique, peut-être… je m’explique. Au temps de la Gaule, du Royaume des Francs, de celui des Capétiens et de la Guerre de 100 ans, il existait effectivement des divisions : des principautés, des seigneuries, des fiefs (comté, duché, etc.). Pendant la Renaissance (fin XVe à la fin du XVIe siècle) apparaissent des circonscriptions territoriales administratives ; elles seront au nombre de 39 jusqu’à la Révolution, en 1789. Et là, bouleversement : l’assemblée constituante propose la création de 80 « départements », en plus de Paris, formant chacun un « carré de 18 lieues de côté, divisé en 9 communes ou districts, lui-même divisé en 9 cantons. Une manière de ne pas entraver le pouvoir central de l’état républicain. On a gardé jusqu’à ce jour 83 départements et des départements et territoires d’outre-mer.
Au cours du XXe siècle, des régions administratives et économiques viennent s’ajouter, sans pouvoir politique et décisionnel, elles vont tout de même être dirigées par un conseil régional élu et un-e président-e à partir des années 1990. Elles gagnent peu à peu en pouvoirs et en autonomie jusqu’à ce qu’en 2010 et 2018 une réforme transforme les 22 régions en 18 super-régions, équivalentes à des Länder allemands ou à des provinces canadiennes.
Les régions ont par exemple pour compétence de gérer les lycées (du secondaire 4 à la première année de cégep), alors que les départements gèrent les collèges (de la 6e année au secondaire 3). Les premières s’occupent des routes nationales, alors que les seconds des routes départementales. Ainsi, les moins de 18 ans payent un seul euro pour prendre les autobus régionaux ; ils disposent d’un “passe” unique pour tous les transports en commun (métro, tramway, bus) ; ils reçoivent un ordinateur portable – qu’ils gardent - à leur entrée au lycée. Bref, les Français parce qu’ils en voient les effets concrets des impôts qu’ils payent en ayant accès à de nombreux services.
Néanmoins, seulement 34,3 % d’entre eux se sont rendus aux urnes le 20 juin ! Y croyez-vous ? C’est pourtant la triste réalité. Ici, au Québec, notre taux de 66,5 % de participation au dernier scrutin électoral provincial est aux antipodes et pourrait faire figure de modèle, bien qu’un tiers des électeurs restent sur la touche… En tout cas, plusieurs facteurs ont certainement contribué à ce taux historiquement bas de participation : demander aux citoyens de voter également pour les Conseillers départementaux, le même jour en est un ; peut-être le manque de sentiment identitaire pour une entité abstraite, sans lien avec l’histoire et la culture locale en est un autre ; le rejet de la politique partisane? Peut-être : ce sont bel et bien des partis politiques, le plus souvent arrimés aux grands partis nationaux (Parti socialiste, Rassemblement national, Républicains, République en marche, Europe-Écologie Les Verts) qui présentent des listes de candidats. Mais quelles sont les véritables causes de ce phénomène de désengagement citoyen, extrêmement grave pour une démocratie ? Posons-nous la question aussi, pour éviter de tomber dans la même situation.