ÉDITORIAL
La démocratie endormie (1)
Les Français du Québec et du Canada, parmi lesquels beaucoup de binationaux, sortent d’un mois de campagne électorale présidentielle, avec douze candidats et deux semaines d’élections. En effet, le processus se fait en deux étapes : au premier tour sont présents tous les candidats et les citoyens en choisissent un nommément (pas un député qui va ensuite nous représenter au parlement : ça, ce sont d’autres élections, les législatives) ; au deuxième tour, seuls les deux candidats qui ont fait le meilleur score s’opposent (pourquoi pas trois ou quatre ? Mystère). Une sorte de finale qui conduit nécessairement à une majorité absolue, à plus de 50 % des suffrages exprimés. En France, le président de la République représente donc clairement une majorité des citoyens qui ont voté.
Que ressort-il de cette élection qui constitue ce qui se rapproche le plus de nos élections fédérales, qui puisse éclairer notre forme de démocratie, ici, au Québec comme au Canada (avec un même système électoral, aux mêmes défauts et qualités) ? D’abord, si le système de primaires au sein des partis a gagné en popularité ces dernières années — chaque parti en avait eu lors des élections présidentielles de 2017 — finalement, à part dans deux partis (sur douze), elles ont été abandonnées. Pourquoi ? Et bien, seuls les adhérents des partis votent dans des primaires, pas la population entière — non-militante pour l’essentiel — ; les partis y dépensent beaucoup de temps, d’énergie et d’argent, mais pour quels effets positifs ? La participation de la population n’en est pas modifiée, en tout cas pas positivement.
Justement, le taux de participation (ou l’abstention, selon les points de vue), l’un des deux grands problèmes de nos démocraties occidentales avec le sentiment de ne pas être entendu, représenté. En France, à 29 %, il est le pire depuis 25 ans, en baisse constante depuis les deux dernières élections. Ici, il est de plus de 30 % systématiquement. Évènement de second plan, derrière la guerre en Ukraine et la CoVid-19, cette élection n’a pas mobilisé les Français qui, en cela, n’ont fait que suivre leur président actuel, Emmanuel Macron. En effet, ce dernier s’est déclaré candidat deux semaines avant le scrutin, a refusé tout débat contre ses adversaires et n’a tenu qu’un seul rassemblement. On a parlé de campagne « sous morphine ».
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce manque d’engouement. Le beau temps (eh oui !), le discrédit de la classe politique, le manque – apparent - d’enjeux (ils parlent pas des vraies affaires), l’absence d’adhésion au concept de démocratie (trop de bla-bla, pas assez d’actions), une représentativité défaillante (aucun des 12 partis et candidats ne me plait!). Problème prouvé par les enquêtes : à force d’être indécis (20 % des Français ignoraient pour qui voter dans les dernières 24 h et 10 % dans la dernière heure), on finit par rester chez soi !
Alors, comment faire mieux ? Comment aller chercher nos enfants, nos parents, nos amis, nos voisins, qui se détournent des élections et minent ainsi une démocratie qui, il faut le souligner, ne se résume pas à nos institutions représentatives (on peut être bénévole dans des organismes non partisans, s’exprimer dans différents médias, manifester, s’adresser directement aux élus…) ? Comment réveiller, redonner aux gens le goût d’exprimer leur voix lors des élections, dans un geste qui est le symbole même de la démocratie ?