ÉDITORIAL
La course aux médailles
De nos jours, le Canada et la France ont la même approche du sport de haut de niveau, en particulier quand on aborde le sujet des Jeux Olympiques (JO). D’ailleurs, ces derniers sont sur le point de se terminer ; avant que les jeux paralympiques ne prennent le relais entre le 24 août et le 5 septembre.
Dans les deux cas, on retrouve cet appétit puéril pour les médailles : c’est à celui qui aura le plus de médailles! On nous montre le tableau quotidiennement, comme si à lui seul, il disait tout. Et pour les malheureux qui ne terminent pas sur le podium, il n’y a point de salut : ils ou elles n’existent pas ; on les oublie aussitôt l’épreuve terminée. Il y a là un manque d’empathie pour l’être humain qu’est un-e sportif-ve de haut niveau, un manque de compréhension de ce que nécessite une telle performance sportive ! Imaginez, leur entrainement se compte en milliers pendant les quatre années entre deux Olympiques ; l’investissement financier, matériel, psychologique n’a le plus souvent aucune commune mesure avec ce que l’individu lambda, comme vous ou moi, peut mettre dans une pratique. Je ne parlerai même pas du culte du record, qui semble aujourd’hui un prérequis pour toute édition des JO : peut-on les imaginer sans nouveau record ?
Le pire est que ces classements et cette insistance deviennent non seulement abstraits, mais vains. Pourquoi ? Parce que ce sont à peu près toujours les mêmes pays qui sont en tête. Chine, États-Unis, Russie (qu’elle s’appelle ROC ou pas), Grande-Bretagne, France, Allemagne, etc. Et pour les Jeux d’hiver, quelques contrées nordiques. Bon, le pays hôte souvent se distingue, cette année le Japon, placé en troisième position au moment où j’écris ces lignes. Les premiers ont des dizaines de médailles de plus que le gros du peloton. Que signifie alors ce classement ?
Au fond, les JO flattent ou exacerbent un sentiment national, dont plusieurs gouvernements se servent à des fins politiques. Cet évènement parmi les plus diffusés au monde devient une vitrine de la puissance symbolique d’un pays. Les affrontements rugueux voire violents sur les différentes surfaces remplissent finalement leur fonction originelle, à savoir éviter la guerre. Les JO sont une sorte de guerre, où seuls les (trois) meilleurs reçoivent les honneurs. Honte aux vaincus qui resteront dans les oubliettes de l’histoire sportive.
Non, le plus intéressant selon moi, est de comparer par exemple le succès des délégations, ou même des athlètes, avec la population totale du pays ; de voir comment certains pays, avec une population si petite, peuvent produire des compétiteurs de ce calibre. Là se trouve probablement la véritable magie des JO, dans une un monde où l’on parle d’industrie du sport et de sport professionnel. Les amateurs fidèles à l’esprit de Coubertin se comptent aujourd’hui sur les doigts des deux mains… Là, deux pays comme le Canada ou la France s’avèrent tout à fait remarquables avec respectivement 38 millions et 67 millions d’habitants, comparés à la Russie, aux États-Unis ou plus encore, à la Chine. Les JO sont la démonstration de la qualité des structures nationales et du coaching mis en place par chaque pays pour recruter et faire évoluer des individus depuis le plus jeune âge et le niveau le plus bas vers le sport de haut niveau.