ÉDITORIAL
La côte a bon dos
Ces derniers temps, j’ai l’impression qu’une partie de la société nord-américaine (j’y inclus le Québec) résiste activement à l’évolution des mœurs et de la condition féminine. L’adoption en Alabama d’une loi criminalisant lourdement l’avortement n’en est qu’un symptôme radical. On dirait qu’un vent de valeur conservatrice souffle sur nos pays.
L’opinion publique semble se tourner vers des valeurs obsolètes, traditionnelles, patriarcales. Est-ce une réaction de peur aux changements pourtant inévitables qui s’en viennent? Un repli compréhensible à l’heure où la mondialisation et l’imbrication des économies nationales n’ont jamais été aussi grandes dans l’histoire de l’être humain? Comme un combat d’arrière-garde, d’autant plus acrimonieux que les femmes prennent de plus en plus leur place?
Il n’empêche que beaucoup semblent trouver normal que les joueuses de hockey du circuit professionnel soient considérées et rémunérées comme des amateures de basse catégorie. Elles se sont mises en grève, leur ligue a été supprimée et elles peinent à être reconnues. Elles s’entrainent pourtant comme des pros, jouent des matchs au même format que les gars, se déplacent d’un bout à l’autre du continent, représentent leur pays aux Jeux olympiques. Certains rétorqueraient que ce sont les joueurs de hockey qui attirent les publicités, les sponsors et les commandites, donc l’argent. Il leur revient donc les salaires en conséquence. C’est le fameux argument économique, qui est de bon sens. À première vue. Parce que nous pourrions rappeler que ce sont des hommes qui sont à la tête du système et qui l’ont instauré.
Derrière cela, il y aussi le raisonnement, en partie faussement scientifique que les femmes pratiquent des sports avec moins de puissance, moins de rapidité que les hommes, ce qui est dû à des différences physiologiques vérifiables. Cependant, ces personnes font une corrélation avec la qualité de leur jeu, qui, dès lors, serait remise en cause. Bref, les femmes joueraient donc moins bien que les hommes. Mais la prémisse de cette logique est tout simplement fausse : qui a dit que bien jouer au hockey, au soccer ou au tennis était synonyme de puissance et de rapidité? Les vrais connaisseurs dans la plupart de ces sports s’accordent pour apprécier la technique et la subtilité des mouvements, la fluidité de la circulation du ballon ou de la rondelle, l’intelligence technico-tactique ou encore la précision des gestes. Je dirais plutôt que seuls des ignorants tiendraient ce genre de raisonnement aux relents de patriarcat et de paternalisme traditionnel. De toute façon, comme l’explique très bien l’ancienne joueuse de l’équipe de France, Mélissa Plaza, dans sa vidéo virale, ces joueuses-là pourraient prendre au mot beaucoup d’hommes dans leur sport respectif et les défaire, tant leur niveau est au-dessus de la moyenne.
Ici même, dans notre société canadienne, les filles doivent faire face à un sexisme ambiant dans les sports. Pour prendre un exemple extrême, les sports de contact. Pourquoi interdire aux filles de monter des équipes de football après 14 ans, dans les écoles secondaires par exemple? Ah! oui, elles ont le flag-football… ou le rugby, dont les effectifs féminins dépassent en vérité ceux des garçons en Outaouais. Mais qui s’en soucie?
Non, vraiment, les filles, je vais répéter ce que je dis à mes joueuses, année après année : devenez enfin qui vous êtes et montrez-nous de quel bois vous vous chauffez!