J’ai vu des fleurs passer... et des têtes dans le sable
Saint-Valentin, t’as devinée! Mé vieux, des fleurs et des fleurs, une fortune de fleurs, à droite, à gauche, attrapées au passage juste parce qu’il faudrait que ou faute d’avoir pris 10 minutes pour réfléchir ou d’avoir fait ce qu’on aurait voulu/dû faire mais pas pris le temps tout au long de l’année... ou encore, pour des raisons moins « nobles », disons. J’en ai vues passer sur la rue, aux bras de l’un ou de l’autre, dans le grand froid. J’en ai vues aussi arriver au bureau. Le livreur devait faire tout un tralala pour passer la sécurité afin qu’une douzaine de roses rouges viennent épater la galerie et que tout l’monde au bureau puisse se rendre compte que celle-là, elle est aimée, et pas à peu près, par « lui ». Ouf, bon coup!
Je ne veux pas vraiment pas offusquer qui que ce soit avec cette chronique. Je sais, et je crois, que plein de fleurs de la Saint-Valentin, et de fleurs d’autres moments, sont sincères, vraiment sincères et remplies d’intentions pures et bonnes. Alors, si tel est ton cas, savoure-les au maximum. Ce qui suit concerne donc peut-être ta voisine, une collègue de travail, ta sœur, ta mère, ta fille, ton amie.
Si cette chronique peut s’avérer être un petit bouquet de fleurs rayonnantes assez puissantes pour donner le coup de pouce nécessaire à une seule femme qui, question de survie, de peur, jusqu’à maintenant s’était enfouie la tête dans le sable parce qu’autrement ça faisait trop mal, elle en vaut la peine. J’ose donc ce propos en cet Après-Saint-Valentin. Des fois, les fleurs nous mènent à la confusion.
Un rappel : femme violentée, victime de violence, ne veut pas nécessairement dire « femme battue ». C’est une mosusse d’expression plate, populaire, remplie de préjugés, utilisée à tort et à travers, pas nécessairement par méchanceté, mais des fois oui, par plusieurs qui ne connaissent tout simplement pas mieux, qui ne comprennent pas, qui n’ont pas ce vécu, qui s’imaginent que, et font avec bon cœur des dons pour les « femmes battues ». La violence peut prendre toutes sortes de formes et certaines ne laissent pas de traces physiques. Le harcèlement criminel (mieux connue sous l’expression anglaise « stalking ») en est une.
À Aylmer, la maison d’hébergement l’Autre Chez-Soi n’accueille pas des femmes « battues », on y accueille des femmes victimes de violence conjugale (conjoint actuel, ancien conjoint ou ‘wanna be’ conjoint), et oui, certaines ont subi de la violence physique, mais bien d’autres sont terrorisées tout autrement et souvent de manière très insidieuse. On peut battre, abattre, détruire, anéantir, terroriser sans même lever le p’tit doigt. Ça prend toutefois un certain doigté… les fleurs, souvent, font partie du stratagème. Tu sais de quoi je parle, peut-être? Si oui, go Valentine! T’es capable!
As-tu déjà lu « J’ai reçu des fleurs aujourd’hui »? Je ne sais plus quand ni écrit par qui mais on trouve le texte facilement sur internet. En voici des extraits, laisse-les te parler.
« J’ai reçu des fleurs aujourd’hui, ce n’était pas mon anniversaire ni un autre jour spécial. Nous avons eu notre première dispute hier dans la nuit et il m’a dit beaucoup de choses cruelles qui m’ont vraiment blessée. Je sais qu’il est désolé et qu’il n’a pas voulu dire les choses qu’il a dites parce qu’il m’a envoyé des fleurs aujourd’hui.
J’ai reçu des fleurs aujourd’hui, ce n’était pas notre anniversaire ni un autre jour spécial. Hier, dans la nuit, il m’a poussée contre un mur et a commencé à m’étrangler. Ça ressemblait à un cauchemar [... ]Je sais qu’il doit être désolé parce qu’il m’a envoyé des fleurs aujourd’hui [...]
J’ai reçu des fleurs aujourd’hui. Aujourd’hui c’était un jour très spécial, c’était le jour de mes funérailles. Hier dans la nuit, il m’a finalement tuée [...] Si seulement j’avais trouvé assez de courage pour le quitter, je n’aurais pas reçu de fleurs aujourd’hui. »
Le mot « terrorisme » est sur toutes les lèvres par les temps qui courent. Déjà, on se disait que ça se passait « ailleurs », aujourd’hui on se rend compte que ça se rapproche de chez nous. Notre pays commence à dire ouvertement « tolérance zéro » au terrorisme. Bonne affaire, disons. Comment faire pour changer le monde? D’après moi, ça commence chez soi... proche, proche, proche. Peu importe le modus operandi, terrorisme et violence sont inaccep-tables. Je nous souhaite toutes et tous la force d’afficher nos couleurs: « tolérance zéro » à toute forme de terrorisme ou de violence, même, et justement, à petite échelle. C’est comme ça, je pense, qu’on va changer le monde.
Qu’est-ce que le harcèlement criminel : http://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/ jp-cj/vf-fv/har/part1.html
L’Autre Chez-Soi, on y trouve des professionnels qui connaissent bien toute la dynamique entourant la violence faite aux femmes et offrent des services 100% confidentiels: 819 685-0006
Carolle Bertrand est native d’Aylmer – chanteuse/musicienne, artiste visuelle, chroniqueuse -
carolle bertrand.canalblog.com
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