Des groupes s’opposent à la fin des élections scolaires
Laurent Robillard-Cardinal
L’association des commissions scolaires anglophones du Québec, Quebec English School Boards Association (QESBA) ,brandit un drapeau rouge après l’annonce du ministre de l’Éducation François Blais à la mi-avril indiquant la possibilité de mettre fin aux élections scolaires.
La QESBA s’inquiète de l’avenir des étudiants anglophones et de leurs communautés au Québec suite à une première rencontre houleuse avec le ministre Blais, qui a remplacé l’ancien ministre Yves Bolduc après que celui-ci eut démissionné à la fin du mois de février.
« Le ministre Blais a indiqué que le système électoral actuel est fini », dit le président de QESBA David D’Aoust, « Nous avons eu de longues discussions avec nos membres et la réponse est simple : nous ne renoncerons jamais à nos élections ou à nos droits de minorité. »
La QESBA a retenu les services de l’avocat Michael Bergman, expert en droit des minorités selon la Constitution canadienne. En 2013, M. Bergman avait aidé le réseau des groupes communautaires du Québec, Quebec Community Groups Network, à préparer son mémoire sur le projet de loi 14.
« La QESBA a toujours été prête à améliorer notre système pour le bien de nos étudiants », poursuit M. D’Aoust, « nos salles de classe et notre communauté ne bénéficient pas de l’abolition de notre système électoral. »
James Shea, président de la commission scolaire Western Quebec School Board (WQSB), appuie totalement la position de la QEBSA. Membre du comité exécutif de la QEBSA et président de l’association Regional Association of West Quebecers (RAWQ), M. Shea est « très préoccupé » par la fin des élections dans les commissions scolaires et compte se battre pour leur maintien.
« Cela me préoccupe puisque l’anglais est un langue minoritaire au Québec et les langues minoritaires sont garanties par la Constitution. Nous avons le droit de gérer nos commissions scolaires ainsi que l’éducation en anglais », a-t-il confié au Bulletin, « La communauté anglophone devrait s’en préoccuper. L’enjeu est tel qu’il ne doit pas inquiéter seulement les commissions scolaires. »
Selon M. Blais, la faible participation aux élections scolaires de l’automne dernier a engendré l’abolition de ce processus démocratique.
Même si les bureaux de vote étaient ouverts de 10 h à 20 h un dimanche, la participation des électeurs pour la WQSB n’a été que de 10,4%. Du côté des commissions scolaires francophones, la participation a à peine dépassé 5%. Dans l’ensemble, le taux de participation pour les commissions scolaires anglophones, qui est normalement plus élevé que pour les commissions francophones, a atteint 16,88%. M. Shea propose une explication au « pourquoi les anglophones ont tendance à avoir plus à cœur les élections de leurs commissaires scolaires ».
« Le poste de commissaire scolaire est le seul poste au Québec qui est élu par la minorité anglophone. Abolir les élections générales des commissaires scolaires et des présidents des commissions scolaires nous ferait perdre quelque chose », dit-il, « Est-ce que la faible participation est une bonne raison pour ne plus laisser la communauté gouverner son éducation? » demande M. Shea, ancien directeur exécutif de Canadian Parents for French.
« La Charte des droits garantit l’élection au suffrage et c’est un droit des minorités linguistiques. Nous avons vu des cas partout au Canada qui appuient les communautés francophones minoritaires. Au Québec, les anglophones ont ces mêmes droits, incluant la gouvernance de commissions scolaires élues. »
Les commissions scolaires francophones s’opposent aussi.
Bien que de mettre la hache dans les élections scolaires n’a pas le même impact dans les commissions scolaires de la majorité francophone, la Commission scolaire des Portages-de-l’Outaouais (CSPO) s’oppose aussi à cette abolition.
« Les élus des commissions scolaires sont très efficients et cela est corroboré par un récent rapport; 86% des parents sont satisfaits », dit Johanne Légaré, présidente de la CSPO, qui est d’avis que les commissions scolaires gèrent bien les millions qui leur sont attribués par le gouvernement.
« Nous sommes les chiens de garde qui assurons une distribution équitable des fonds. Pour nous, l’important c’est la réussite scolaire des étudiants. Nous avons été très bouleversés quand le ministre de l’Éducation a avancé que selon lui les commissaires n’étaient pas de bons gestionnaires », ajoute Mme Légaré.
Toutefois, les commissaires qui gèrent des millions de dollars sont élus avec des taux de participation extrêmement faibles, de l’ordre de 5% pour les commissions scolaires franco-phones. Selon Mme Légaré, il s’agit d’un non-enjeu. « Ce n’est pas un élément important. Vous avez 86% de la population qui est satisfaite. Les gens votent quand ils ne sont pas contents. »
La présidente de la CSPO s’inquiète du fait que le gouvernement ne regarde que le coût de l’éducation. « Pour moi, l’éducation est un investissement, pas une dépense », fait-elle remarquer.
Les deux commissions scolaires locales se battront pour cet objectif commun. « Nous sommes sur la même longueur d’onde quant à l’importance du rôle des commissaires pour une bonne gestion des commissions scolaires », dit Mme Légaré, qui trouve dommage que le gouvernement s’en prend à une organisation qui fonctionne bien et qui livre la marchandise. « Dans l’ensemble, l’éducation va très bien », a-t-elle ajouté.
(Traduction: CB)