ÉDITORIAL
Consommateurs ou citoyens? (1)
La semaine dernière, j’ai mangé d’excellents kiwis… grecs! Achetés ici, à Aylmer, me croirez-vous? C’est ce que l’on appelle la mondialisation des échanges, même si cette expression a une connotation péjorative. Elle nous permet de manger des choses introuvables et incultivables ici. Les premiers colons de la Nouvelle-France en auraient apprécié la valeur.
Ceci étant dit, la Grèce, c’est loin. Il en a fallu du kérosène pour les camions, puis le bateau et/ou l’avion qui ont transporté le petit fruit vert jusqu’à moi. Question empreinte écologique, ce n’est pas mal non plus! Penser global, manger local, ne devrait pas juste être un slogan altermondialiste. Désormais, je regarde la provenance des kiwis avant de les acheter, si je désire en manger. Qu’ils viennent du continent américain au moins…
Vous penserez que je passe du coq à l’âne, mais je ne peux m’empêcher de penser en même temps à cet article du Devoir qui fait état des disparités entre les plus riches et les plus pauvres. Comme chaque année en début d’année. C’est devenu une triste tradition. En effet, à ce chapitre, rien ne change, ou plutôt si, mais pas en bien. Oxfam constate qu’une fois de plus les plus riches se sont enrichis alors que les plus pauvres ont stagné. Les 10 % les plus pauvres de la planète ont vu en moyenne leur salaire augmenter de 3 $! Certains rétorqueraient : « Ça dépend du pouvoir d’achat que tu as avec 3 $ dans ce pays… » Et je leur répondrai : « Tu te fous de ma gueule? Quel que soit le pays, c’est une honte! ». Parallèlement, il n’y a jamais eu autant de milliardaires (il fallait également donner une bonne nouvelle). Leur nombre connaît une pointe historique : un nouveau milliardaire chaque deux jours, voilà la statistique. Dont 9 sur 10 sont des hommes; les femmes se retrouvant en général, surtout dans les pays en développement (mais pas seulement), dans les emplois les plus précaires et en bas de l’échelle. Double discrimination intolérable d’où qu’elle vienne.
Notons qu’au Québec nous avons l’écart de salaire le plus petit des pays de l’OCDE entre les femmes et les hommes. Pour revenir à nos moutons, il n’en reste pas moins, qu’au Canada, nous sommes passés de 15 à 39 milliardaires entre 2000 et aujourd’hui. Qui a dit que l’économie allait mal? Les chiffres du chômage n’ont jamais été aussi bas en 20 ans et les indices boursiers franchissent régulièrement de nouveaux records depuis le « krach » de 2008. D’où vient alors l’impression que nous ne vivons pas tous dans le même monde? D’où vient le malaise que je ne suis pas le seul à ressentir?
J’admets que raisonnement est simpliste, mais écoutez bien : juste la hausse de revenus de ces milliardaires canadiens l’année dernière suffirait à donner un service de garde universel à tous nos enfants et à faire passer nos 5 millions de « pauvres » au-dessus du seuil de pauvreté. Quelque chose ne tourne pas rond. Que feraient de toute façon ces personnes avec 28 milliards, en plus de ceux dont elles disposent déjà, à part les mettre à l’abri dans des paradis fiscaux? On parle là de REDISTRIBUTION, de SOLIDARITÉ SOCIALE… Dans le même temps, les franchisés de Tim Horton’s en Ontario grappillent quelques dollars sur le dos de leurs employés, parce que le gouvernement a osé monter le salaire minimum à 15 $; et au Québec, les patrons et la classe politique s’affolent déjà à l’idée de le faire passer à 12 $. Y a de quoi rêver, non?