ÉDITORIAL
Cherche enseignant-e-s désespérément…
Bien qu’il y existe un « Jour des enseignants », la rentrée scolaire est un moment où cette profession est sur le devant de la scène. Il y a peu, Radio-Canada a consacré du temps à répondre à la question : « Comment valoriser ce métier? » Au même moment, la chronique de Jean-Marc Salvet, dans le Droit du mardi 3 septembre était intitulée: « Enseigner, un métier qui a du sens ».
C’est indéniable, enseigner est gratifiant. D’ailleurs, plus d’un professionnel du secteur privé en vient à enseigner pour cette raison, après des années à juste « faire de l’argent ». Cependant, les faits sont là… Le salaire d’un enseignant est de 40 000 $ par an, après quatre ans d’études universitaires, sur la base de 200 jours de travail, réparti sur 12 mois, donc pas de vacances payées. Malgré le manque de personnel, 45 % des enseignants ont aujourd’hui un statut précaire: ils ont une priorité d’emploi mais pas de sécurité d’emploi. Un enseignant passe de 20 à 23 heures devant les élèves à enseigner, ajoutées à la tâche complémentaire et au travail personnel présumé. Total : 32 h officiellement, sans ramener de travail à la maison ni mener aucune activité parascolaire; 30 % des enseignants quittent la profession au cours des cinq premières années. Dois-je en rajouter sur la quantité de profs en épuisement professionnel ? Ah, j’oubliais: le MELS (Ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports, ce qui en dit long sur le statut de l’éducation justement) désire augmenter les exigences: il faudrait désormais un diplôme de deuxième cycle pour pouvoir enseigner ! Certes, je tempête souvent contre le manque de connaissances des bacheliers en éducation, mais je dois reconnaître qu’ils sont bien préparés à la pratique de classe, à la gestion de groupe. Pourquoi faire une maitrise, à moins que ne soient exigés un bac dans la spécialité (français/littérature, maths/sciences, histoire/géographie, etc.), puis une année en éducation ?
Partant de là, peut-on s’étonner que les inscriptions dans les programmes d’éducation à l’université aient baissé de 20 % en quelques années, alors que la demande croît ? Les conditions d’emploi et de pratique sont-elles les seules en cause? L’an dernier, j’ai eu l’occasion de pouvoir enseigner comme chargé de cours à l’UQO à des 2ème et 3ème années en éducation au secondaire. Quatorze jeunes femmes, pas un seul homme. Dans notre esprit si moderne et avancé, l’homme est encore celui qui va rapporter le gros salaire, celui qui le valorise socialement, pour lequel il va quitter l’école à 16 ans et travailler dans la construction, qui va lui permettre d’avoir un gros camion, et un chalet avec bain à bulles et un quad sinon un bateau, en quelques années à peine. La femme, elle, peut aller vers un autre genre de profession, ce n’est pas grave.
Notre société fonctionne sur le critère du revenu ? Alors, pas besoin de chercher midi à quatorze heures sur la manière d’attirer des jeunes: haussons le salaire de 20 000 $ d’entrée de jeu et organisons-nous pour que les classes aient moins de 20 élèves, sans exception, avec un orthopédagogue à disposition en tout temps. Mais sommes-nous vraiment prêts à en payer le prix ?