EDITORIAL
Ce qu’on peut entendre chez McDonald
Si vous voulez entendre des discussions politiquement correctes, allez à l’épicerie chez Sol. Toutefois, si vous voulez vraiment savoir ce que les gens pensent, traversez la rue et allez prendre un café au restaurant McDonald. J’étais à ce restaurant la semaine dernière. Des journaux traînaient sur les tables avec la Une du jour, stimulant ainsi les conversations autour de moi. Lorsque les gens sont mécontents, la censure prend le bord et le cœur s’exprime. On n’a même pas besoin d’être indiscret. Il faut juste ne pas se fermer les oreilles.
Première conservation: Un homme qui attendait en file pour passer aux caisses venait de voir la Une du journal.
On y annonçait que l’ex-ministre démissionnaire de l’éducation, Yves Bolduc toucherait une prime de 155 000$ pour son départ. Rappelons que c’est le même individu qui touchait une autre prime très controversée de 215 000$ il y a moins d’un an. L’homme dans la file parlait à une dame près de lui et exprimait sa frustration. « Je suis tanné qu’ils nous prennent pour des imbéciles », disait-il. « Je paie une fortune en taxes et impôts et ces profiteurs qui nous parlent constamment d’austérité se remplissent les poches. Moi madame, c’est rendu que je travaille une journée par semaine au noir. Au moins, celle-là, ils ne l’auront pas pour se remplir les poches. Il y a toujours bien des limites à ce qu’on les laisse nous voler ainsi. Si je suis capable de leur en cacher plus, vous pouvez être certaine que je n’hésiterai pas une seconde. »
Deuxième conversation : Lorsque je suis allé m’asseoir, quelques personnes à la table d’à côté parlaient de ces jeunes qui quittent le pays pour aller rejoindre les rangs de l’État islamique en Iraq et en Syrie. « Je ne comprends pas que l’on essaie de les retenir », disait l’un d’eux. « Moi, je leur paierais le billet. Vous voulez aller déverser votre haine à l’autre bout du monde. Pas de problème, on vous y envoie et ne revenez plus. Je noliserais même un avion. Vous voulez partir, la porte est grande ouverte. Embarquez. Autant qu’ils aillent s’entretuer là-bas que de poser des bombes ici et s’attaquer à la population. Regarder le dernier qu’on a empêché de partir. Il voulait aller jouer au martyr. On l’a retenu ici. Qu’est-ce qu’il a fait? Il s’est viré de bord et a tué deux militaires avec sa voiture. »
J’écoutais ces conservations avec amusement et une certaine sympathie. Le ras le bol des gens « ordinaires » est souvent symptomatique de problématiques sociales et politiques non résolues, que trop souvent nos instances au pouvoir balaient sous le tapis. Ou alors, les solutions envisagées sont complètement inappropriées. M. Couillard aura beau multiplier les discours sur la nécessité de se serrer la ceinture et d’augmenter les coupures de services, les actions questionnables de ses ministres auront toujours un impact plus marquant sur la perception des citoyens.
Pour ce qui est de la radicalisation de jeunes musulmans canadiens, il ne faudrait pas oublier toute la détresse familiale et communautaire que ces départs vers le bourbier du Moyen-Orient engendrent. Et c’est sans parler de l’avenir détruit de ces jeunes qui commencent à peine leur vie. Faudra-t-il pour autant transformer le pays en prison où nous les retiendrons de force? Cette radicalisation des jeunes musulmans dénote-t-elle l’échec de nos mesures d’intégration? En tout cas, on peut certainement se poser ces questions.
Marcel Leclerc
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Commentary