Brigil achète 80 acres de terrain dans la forêt Boucher
L'entreprise de construction Brigil a récemment fait l’acquisition d’un terrain de 80 acres faisant partie de la forêt Boucher, situé au 600, chemin Vanier (secteur Aylmer). Dans un communiqué de presse publié le 5 octobre, l'entreprise a souligné que le terrain acquis représente environ 11 % de la forêt, et qu’elle s’engageait à protéger 25 des acres nouvellement acquis, ce qui veut dire que les projets prévus sur le terrain seront développés sur 55 acres, soit 7 % de la forêt.
La forêt Boucher compte au total 741 acres; le vice président du développement et de la conception chez Brigil, Jessy Desjardins, a informé le Bulletin d'Aylmer que de cette superficie, 110,7 acres sont censés être inclus dans les plans de développement du projet de tramway à venir, comme l’indique le schéma d’aménagement et de développement révisé. Précisant que le terrain était auparavant zoné pour accueillir uniquement des immeubles résidentiels d'un étage, Brigil indique que le conseil municipal de Gatineau a récemment apporté des modifications à son plan d'urbanisme, permettant désormais la construction d'immeubles résidentiels d'une hauteur maximale de 10 étages et le développement d'infrastructures commerciales de faible et moyenne densité.
Le projet est prévu à proximité d’un futur axe de transport et, selon M. Desjardins, la Ville considère que le terrain est avantageux pour le développement des infrastructures, tout en respectant le périmètre urbain. Grâce au nouveau zonage, il espère que le projet pourra aboutir au développement d’un milieu de vie complet, axé sur les transports collectifs structurants, avec des commerces de proximité, des parcs et des places publiques qui permettent de réduire l’utilisation de la voiture.
Bien qu'il soit encore au stade de la planification, M. Desjardins soutient que le projet devrait permettre de créer environ 2 500 nouvelles unités de logement dans la région. Le terrain a été acheté par la société immobilière Regional Group, d'Ottawa. Le montant de la transaction demeure inconnu pour l’instant.
Sur ce terrain, on retrouve une cédrière de 30 à 50 ans et une érablière de 150 ans, deux joyaux que l’entreprise s’engage à protéger à 100 %. M. Desjardins indique que selon deux études environnementales indépendantes, la portion développable du terrain possède une faible valeur écologique; en effet, la majeure partie du terrain est une friche herbacée envahie par le nerprun, une plante exotique envahissante qui menace la biodiversité des écosystèmes forestiers, et que le projet qui sera développé contribuera grandement à éradiquer cette espèce néfaste au bénéfice de la forêt.
Il prévoit également intégrer de nouvelles plantes indigènes à la forêt afin d'enrichir sa biodiversité. Désireuse de contribuer au développement du parc de la Forêt Boucher tout en protégeant la forêt, M. Desjardins a indiqué que son projet vise à offrir une entrée potentielle au parc à partir du district du Plateau, où un centre d'interprétation, un pavillon et une place publique pourraient être aménagés.
Tout en voulant établir les normes écologiques et les attentes les plus élevées possibles qui respectent la mission de la Fondation de la forêt Boucher (FFB) et l’environnement, Brigil a déclaré que le type exact de certification environnementale dont elle aura besoin pour le projet n'a pas encore été décidé.
M. Desjardins a fait savoir que Brigil collabore avec la FFB en tant que partenaire, comme dans certains projets antérieurs, toutes deux partageant les mêmes valeurs. L’entreprise a appuyé financièrement la Fondation par le passé afin de préserver la richesse de la forêt Boucher, et elle continuera de le faire pour les années à venir. Brigil souhaite aussi travailler main dans la main avec le CREDDO en vue d’obtenir ses conseils dans le cadre de ce projet exceptionnel.
Heureux d’avoir remporté la mise sur cet achat, M. Desjardins s’est également dit heureux du fait que le terrain reste entre les mains d’une entreprise gatinoise qui a à cœur la forêt Boucher et qui saura la protéger. « Je suis un fier activiste pro environnement qui préconise le développement urbain en fonction de la réduction de notre dépendance à l’automobile », a dit M. Desjardins. Il a ajouté qu’il compte mettre rapidement en place des rencontres et tables de réflexion avec des comités de citoyens afin de développer un projet pertinent et rassembleur.
--La Fondation de la forêt Boucher fait le point
À la suite de l'achat du terrain, la FFB a réagi sur les médias sociaux en faisant une mise à jour détaillée de ses efforts de conservation et en expliquant comment l'acquisition devrait influer sur ses plans de protection de la plus grande partie de la forêt possible.
Expliquant que le terrain nouvellement acquis fait partie d’un écoterritoire – qui représente environ 27 % de la forêt – et que la vocation d’écoterritoire exige certains critères de conservation, la présidente de la FFB, Christina Richard, a déclaré au Bulletin d'Aylmer que la Fondation entend travailler aux côtés de Brigil pour s'assurer que le projet répond aux attentes les plus élevées en matière d'écologie, et pour trouver des façons potentielles pour l'entreprise d’appuyer le parc de la Forêt Boucher. Ayant été informée de l'achat du terrain le 1er octobre, Mme Richard a dit qu’il se compose en grande partie d'une zone détériorée par le nerprun cathartique, mais qu'il comprend également une portion abritant de nombreuses espèces menacées et vulnérables, comme la couleuvre tachetée, la tortue mouchetée et le noyer cendré.
Mme Richard a précisé que la Ville de Gatineau détient actuellement 55 % de l’ensemble de la forêt Boucher, et que 21 % de la forêt a un zonage résidentiel; 73 %, un zonage récréatif, et 6 %, un zonage multifonctionnel.
La directrice de la FFB croit que la question épineuse de l'acquisition de terrains de la forêt Boucher par rapport à la protection de la forêt est largement incomprise, même par les personnes bien informées sur le sujet – notamment en ce qui concerne les règlements de zonage, la valeur des propriétés et les propriétaires des terrains convoités. « Je veux simplement que les gens comprennent mieux le dossier », a dit Mme Richard. « Parce que si c’est le cas, nous ferons plus de progrès. Nous essayons de tirer le meilleur parti de ce contexte ».
La croissance démographique et les poursuites intentées par des propriétaires privés de terrains dans la forêt Boucher au cours des dernières années ont fait monter en flèche la valeur des terrains n’appartenant pas à la Ville de Gatineau. Mme Richard a rappelé que la Ville n'a pas un pouvoir d’achat illimité et que, dans le cadre de son partenariat avec la FFB, elle a fait d’énormes efforts au regard du projet de conservation de la forêt Boucher dans son ensemble.
Estimant que la Ville a besoin d'au moins 10 à 20 millions de dollars pour acheter les autres terrains privés disponibles dans la forêt, Mme Richard a déclaré que la FFB s’emploie à convaincre les candidats à l’élection municipale de s’engager dans un plan d’acquisition sur 10 ans pour acheter le reste des terrains privés situés dans la forêt Boucher qui sont zonés récréatifs (21 %) et multifonctionnels (6 %).
Toujours à la recherche de soutien financier, elle a ajouté que la FFB s’active aussi à rencontrer des représentants d'autres ordres de gouvernement pour voir le rôle qu’ils pourraient jouer au niveau de l’acquisition. « Oui, ce sera cher », a lancé Mme Richard, notant que la Ville a dépensé 4,1 M$ pour un seul terrain privé situé dans la forêt Boucher lors de sa dernière acquisition liée à la politique de protection de la forêt. « Nous n'allons pas leur courir après... mais tous les candidats se doivent de nous rencontrer ».
Mme Richard a indiqué que, pour les dix prochaines années, afin de permettre au développement du parc de prendre forme, le ministère des Transports du Québec a officiellement cédé le droit de passage du corridor situé au milieu de la forêt Boucher et reliant le quartier Deschênes, qui doit être doté d'un pont vers Ottawa. Elle ajoute que la FFB est actuellement en train d'aménager les sentiers officiels et les ponts pédestres en bois du parc.
Enfin, la présidente invite les gens à prendre action aujourd’hui pour protéger la forêt Boucher en devenant bénévole, en devenant membre de la Fondation, en passant le mot sur la nécessité de la préserver et en votant pour le bon candidat lors des prochaines élections municipales.
Concernant la volonté de Gatineau de protéger au moins 75 % de la forêt, le conseiller du district de Lucerne, Gilles Chagnon, a déclaré au Bulletin d'Aylmer que la Ville demeure déterminée à en préserver le plus possible.
Bien qu’une partie du terrain soit considéré comme ayant une faible valeur écologique, la conseillère du district d’Aylmer, Audrey Bureau, a indiqué au Bulletin d’Aylmer qu’à son avis, l’acquisition est une erreur, et que le développement résidentiel dans la région aura un impact négatif sur la biodiversité existante du terrain.
« Je pense que construire de 3 000 à 6 000 portes dans cette zone va exercer trop de pression sur la forêt », a prévenu Mme Bureau, soulignant qu’elle se bat depuis son élection en vue de préserver la totalité de la forêt.
Rappelant qu'elle et M. Chagnon étaient les seuls conseillers à avoir voté contre la modification du zonage du schéma d'aménagement et de développement adopté par la Ville l'automne dernier – permettant des projets de développement plus densifiés dans certaines zones de la forêt – Mme Bureau a déclaré que son approbation a essentiellement donné le feu vert aux promoteurs pour tirer profit des espaces naturels locaux.
« À partir de ce moment-là, il était presque certain que la situation dans laquelle nous nous trouvons allait se produire », a déclaré Mme Bureau, précisant que les modifications de zonage ont également entraîné une augmentation significative de la valeur des terrains, empêchant ainsi davantage la Ville de les acheter. « La Ville a été l’artisan de son propre malheur ».
Mme Bureau croit que le terrain a été acheté pour environ 25 M$, et qu'il aurait coûté beaucoup moins cher si la Ville n'avait pas approuvé ses nouveaux règlements de zonage.
Elle a ajouté qu'il n'est pas trop tard pour que les prochains conseillers municipaux élus de la Ville rachètent le terrain et empêchent tout projet de construction, et conseille aux résidents de faire pression sur les candidats aux prochaines élections pour faire de l'acquisition de terrains dans la forêt Boucher une priorité absolue.