ÉDITORIAL
Angle divergent
Merci les Albertains ! Par votre mépris envers les Franco-Albertains, vous venez de pousser les Québécois à soutenir encore davantage le gouvernement Legault dans son projet de loi 96. Mais à l’heure de la prorogation de la session parlementaire, n’est-ce pas une discussion obsolète ?
Pas vraiment, quand je lis les lettres d’opinion truffées d’erreurs de nos estimé-e-s lecteurs-trices ; longs parfois d’une demi-page, ces textes hurlent l’ineptie d’une mesure visant à augmenter le nombre de nos jeunes dans les Cégeps francophones, au détriment des « pauvres » cégeps anglophones (19% du financement public du réseau collégial pour 10% de la population). Plutôt que d’aller dans un cégep anglophone, les auteurs de ces lettres auraient eu avantage à poursuivre des études en français !
Question : pourquoi les Anglo-Québécois montent-ils systématiquement au créneau dès qu’il s’agit de consolider l’usage de la langue française ? Est-il inconcevable de supporter le français sans que cela se fasse au détriment de l’anglais (ou des autres langues) ? D’abord, il est primordial de se rappeler que si le français est (de moins en moins) majoritaire au Québec, il est (de plus en plus) minoritaire à l’échelle canadienne et nord-américaine. Ensuite, rappelons que la langue est plus qu’un outil de communication, elle est reliée à une identité, à une culture. Partant de là, dans le respect de langue de la minorité d’expression anglaise, à laquelle aucune disposition du projet de loi 96 ne s’attaque, et des autres langues, comme les langues autochtones (qui pourraient d’ailleurs être reconnues comme des langues nationales québécoises), il est simplement question de favoriser l’usage du français.
Dans le détail : droit à des services d’apprentissage ; renforcement dans les tribunaux et au parlement ; devoirs de l’administration ; élaboration d’une politique linguistique de l’État ; application aux ordres professionnels, aux milieux de travail, aux domaines des affaires et du commerce ; obligations en éducation et limitation des admissions aux cégeps anglophones ; soutien aux communautés francophones minoritaires hors Québec ; renforcement des pouvoirs de l’OQLF ; insertion dans la loi constitutionnelle de 1867 ; modifications dans plusieurs codes juridiques… Entre autres.
Pourrait-on y arriver autrement qu’en légiférant ? Peut-être. Mais autant utiliser tous les moyens possibles, pas vrai ? Législatifs ou pas, punitifs ou incitatifs. Faisons également rayonner la culture d’expression française, mais appliquons avec rigueur de droit de regard légal du Québec sur l’admission des immigrants (article 22 de l’Accord Canada-Québec, 1991) ; finançons aussi massivement la francisation des allophones et encadrons le parcours scolaire préuniversitaire, sachant qu’il est déterminant pour la carrière professionnelle des jeunes Québécois. Après tout, si les francophones albertains parlent anglais au point de ne pas avoir besoin d’une traduction des consignes de vote (rédigées uniquement en anglais)…
Le projet de loi 96 sur la langue officielle et commune du Québec est donc une sorte de « rénovation » de la loi 101, qui commence à dater, il faut l’avouer (1977 !). À moins d’être contre la Loi 101, contre l’affirmation du français comme seule langue officielle du Québec ET langue commune, pourquoi ne pas accepter cette actualisation ? Ceci dit, il faut convenir que le gouvernement Legault sort l’artillerie lourde avec la clause dérogatoire, là où il aurait pu ne pas le faire. Mais les récriminations et les gros mots utilisés par les détracteurs de ce projet de loi, et peut-être de la loi 101, ne font que justifier son utilisation, non ?